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Friday, September 28, 2012

Famille, Abus des parents sur leurs enfants

L'impuissance de l'enfance


Le débat sur le mariage entre homosexuels semble impossible : ceux qui devraient se répondre ne se rencontrent jamais. Les adversaires de la légalisation croient rappeler l'évidence, la vérité biologique de la procréation. Les partisans de l'alignement juridique de l'homosexualité sur l'hétérosexualité invoquent eux aussi des réalités, mais des réalités d'un autre ordre : sociales, morales et historiques. C'est un fait que des couples du même sexe élèvent des enfants, que cela scandalise de moins en moins et que l'interdire créerait des souffrances et des désordres.
 
Or ce que l'on ne peut ni ne veut vraiment empêcher, il faut l'organiser, l'encadrer, le faciliter. Ce dilemme (interdiction ou organisation) disqualifie comme hypocrite l'entre-deux actuel : accès au pacs pour le couple homosexuel, mais, quant à la famille, ignorance et tolérance à travers l'adoption individuelle, qui pourtant est un essai d'équilibre entre la liberté des personnes et la nécessité d'un "ordre symbolique" qui, dans les mentalités, sépare le légitime et l'illégitime.
Le libéralisme dominant ne fixe qu'une limite à ceux qui réclament une "nouvelle liberté" : l'interdiction de nuire à autrui. Si l'éducation par un couple homosexuel handicapait les enfants qui en bénéficient, l'opinion s'inquiéterait. Mais comment savoir ce qu'il en est ? Le député socialiste Jérôme Guedj conclut : "Aucune étude, il est vrai qu'il n'en existe pas beaucoup, ne [permet] de conclure à l'existence de divergences dans le développement affectif ou psychosocial" des enfants élevés par des couples homosexuels. Ces suppositions lui suffisent pour trancher : "Je ne vois pas comment on aura une certitude si l'on n'essaie pas."
 
On le voit, dans ce débat sur l'humain et l'inhumain, les tenants de la loi naturelle sont en infériorité : "La nature de l'homme c'est l'artifice", disait le philosophe Emmanuel Mounier, car il faut bien un principe de limitation opposable à notre artificialisme, étant donné que la nocivité des détours procréatifs et éducatifs reste discutable. Il nous manque un concept de l'humanité.
Certains auteurs comme Sylviane Agacinski et Jürgen Habermas indiquent une direction pour penser l'humanité hors des eschatologies religieuses ou naturelles ou de l'interdiction de nuire. Ils partent d'une constatation de bon sens : nos libertés sont en même temps des pouvoirs que nous exerçons, elles ne sont donc absolues que si nous les exerçons sur nous-mêmes. Au-delà, quand elles empiètent sur la liberté d'autrui, un contrôle collectif devient inévitable. L'accroissement de nos libertés n'est pas un développement linéaire et infini, puisque ce qui est pour nous libérateur peut empiéter sur la liberté d'autrui.
 
Ainsi, dans le cas qui nous occupe, l'artificialisme technique, social et juridique en vient à poser une question de partage du pouvoir de donner la vie et d'éduquer, entre sexes et entre générations. Il est possible que l'éducation "monosexuelle" n'ait pas d'inconvénients repérables, mais il est certain que ceux qui choisissent de l'imposer s'octroient sur l'enfant un pouvoir inédit, sans autre justification que leur choix propre.
Cela ramène d'une autre manière la question de la nature. Défi à la nature, le mariage homosexuel n'est pas un sacrilège, mais il change le pouvoir parental. Dans la configuration familiale classique, à cause de la dualité des rôles sexuels, la maîtrise a deux visages, elle est non seulement partagée mais hétérogène, le pouvoir d'un sexe ne s'exerçant pas sans celui de l'autre. Au contraire, face à une parenté qui refuse la dualité sexuelle, l'enfant est en partie privé de la possibilité de jeu qui assurait sa propre position. Est en même temps ébranlé un facteur de complexité et d'opacité qui contribue à apaiser les rapports entre générations, unies qu'elles sont par leur impuissance devant le cours de la vie.
 
Au contraire, le mariage homosexuel est une déclaration de puissance, parce qu'il invente au lieu d'accepter, parce qu'il ne donne pas de rôle à la dualité sexuelle et parce que tout cela, il l'impose à l'enfant. Le "choix" est une bonne chose, ce n'est pas un critère sans limites. Jürgen Habermas dit que des parents qui détermineraient le génome de leur enfant abuseraient de leur pouvoir. Il en va de même quand, par choix, on prive un enfant d'une figure féminine ou masculine.
L'abus de pouvoir, raison suffisante pour refuser le mariage homosexuel, ne se juge pas d'après ses effets : un père qui marie sa fille de force peut croire que, pour elle, il fait le meilleur choix. On lui en refuse pourtant le droit. L'abus de pouvoir n'est pas affaire de résultat, il est intrinsèque à l'action. Dans le cas qui nous occupe, il se dénonce de lui-même à travers la manière de créer les situations qu'on demande à la loi de consacrer. Il s'agit toujours en effet (par insémination ou gestation pour autrui) de cacher à l'enfant une parenté biologique pour lui en imposer une autre.
 
Si l'on se donne comme critère le non-empiétement des libertés les unes sur les autres, on doit reconnaître le couple homosexuel, et lui accorder un rôle éducatif. Mais éducateur ne signifie pas parent. Parents, les partenaires homosexuels ne pourraient l'être qu'au prix d'imposer à l'enfant un statut modelé selon leur désir.
 
On met au défi ceux qui ne veulent pas "régulariser les choses" de réclamer qu'on les interdise. Pourtant beaucoup de comportements sont tolérés sans être approuvés, encore moins légalisés. L'ordre symbolique en effet ne se confond pas avec l'ordre public, il touche à l'idéal aussi bien qu'aux moeurs pratiquées, il est à la fois intérieur, diffus, évolutif, mais aussi nécessaire. Le refus de l'abus de pouvoir, surtout aux dépens de la génération à venir, en est un aspect actuel. Car, si les points d'application sont nouveaux, il s'agit toujours d'opposer un ordre symbolique à une tentation d'hybris qui ne quitte pas l'humanité. par Paul Thibaud Source

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