Les incompréhensions des catholiques français face à la crise au Vatican
Alors que l’arrestation d’un proche collaborateur du pape et le limogeage de son banquier mettent en lumière des dissensions et dysfonctionnements dans le gouvernement central de l’Église, «La Croix» est allée questionner des catholiques de France.
Ils apparaissent peu informés sur le sujet et en proie surtout à une forme de lassitude face à une nouvelle «affaire» susceptible d’entamer leur confiance dans les institutions.
Manlio Graziano : «La hiérarchie italienne du mal à s’habituer à l’internationalisation de l’Eglise».
Petite explication du lexique vaticanesque.
Mais que se passe-t-il au Vatican ? Ces dernières semaines, la vie d’ordinaire si discrète des collaborateurs du pape s’est trouvée bouleversée : des fuites dans la presse de documents hautement confidentiels, le président de la banque du Vatican évincé par surprise par son conseil d’administration, le même jour un membre de l’entourage immédiat de Benoît XVI que l’on arrête, et maintenant un processus judiciaire dont il semble encore difficile d’anticiper toutes les conséquences…
Les catholiques français, qu’ils soient évêques, prêtres ou laïcs, ont eux-mêmes du mal à se faire une opinion, pour peu qu’ils aient eu écho de cette affaire. Mais, aussi étrange que cela puisse paraître, beaucoup, parmi les fidèles rencontrés sur les parvis des paroisses Notre-Dame à Bordeaux et Saint-Pierre d’Ambarès (Gironde), avouent n’en avoir jamais entendu parler.
Chez les plus informés, le débat s’engage. D’un côté, ceux qui comme Rodolphe, 17 ans, tiennent à ramener l’affaire à ses justes proportions : «Pour moi, l’important c’est les écrits, la Bible. Le Vatican, c’est autre chose» . De l’autre ceux, comme Guillaume, 15 ans, pour qui « on ne peut pas se dire catholique sans être proche du Vatican » et qui se soucient donc de «l’image» renvoyée par ces affaires au grand public. «Ces scandales nous rendent moins fiers d’être catholiques» , concède Richard, 66 ans, gendarme à la retraite.
Moins d’ampleur en France qu’en Italie
Ces révélations en série n’ont, bien sûr, pas pris la même ampleur en France qu’en Italie. «Ici, les élections législatives intéressent beaucoup plus la presse locale» , relève le porte-parole d’un diocèse du sud. «Il faut dire qu’entre le majordome, le cardinal, le pape, le banquier, on se sent un peu perdu. Les Italiens adorent les intrigues, nous autres Français sommes peut-être un peu plus naïfs». «Le romanesque séduit plus que les révélations elles-mêmes», constate un évêque.
Plus profondément, les réactions recueillies laissent transparaître un sentiment de lassitude. «Non pas du désintérêt, analyse le P. Guy Lescanne, curé à Nancy, mais plutôt une manière de baisser les bras, une sorte de ‘encore...!?’ devant une nouvelle dont on ne sait pas trop quoi faire». D’autant que, pour tous ceux qui connaissent un peu l’Église et ses rouages même locaux, ces révélations de dissensions au sommet comme de malversations financières n’en sont pas réellement.
Le scandale des «Vatileacks», malgré son retentissement, est finalement jugé moins grave. D’où peut-être l’absence de réaction officielle de la Conférence des évêques de France.
«Ce n’est pas la dernière fois»
«La pédophilie, oui, ça nous avait choquées, mais là ce sont des problèmes d’argent et de pouvoir qui ne touchent en rien les fondamentaux de la foi» , avancent ainsi deux catéchistes du diocèse de Tarbes. Qui nuancent, après un temps de réflexion : «Vis-à-vis des chrétiens qui souffrent, qui sont persécutés, cela nous révolte. C’est un non-respect du pauvre».
Au fond, comme le P. Xavier de Dumast, curé de la Paroisse Saint-Germain du Lac en Haute-Savoie, beaucoup devinent que «ce n’est ni la première ni la dernière fois que l’on risque d’apprendre des dérives financières à Rome».
La propension des médias à monter en épingle des dysfonctionnements de l’Église est parfois pointée du doigt. «Les chrétiens convaincus en ont un peu marre de se sentir attaqués à chaque bonne occasion, ils savent très bien que personne n’est parfait et que même à la Curie, il peut y avoir des coups bas» , analyse ainsi un autre évêque, qui assure n’avoir reçu aucun courrier ni aucun appel, contrairement aux précédentes crises – pédophilie, levée des excommunications des évêques lefebvristes.
Des prières pour le pape dans les paroisses
«Pas de panique à bord» donc, selon la formule de Mgr Michel Dubost, l’évêque d’Evry, mais pas d’indifférence non plus. «Ces nouvelles nous font mal parce qu’elles touchent notre famille» , résume le P. Lescanne. Plus encore que les cardinaux qui l’entourent – que les catholiques français connaissent bien peu –, c’est la figure du pape qui concentre leur attention.
D’autant qu’il apparaît davantage comme une victime que comme le responsable de la crise. « Les gens devinent qu’il souffre, qu’il se fait avoir », résume un prêtre. «Ce qui se passe dans les bureaux du pape ne nous concerne pas directement, pour l’administration quotidienne de nos diocèses, mais plutôt affectivement : que le successeur de Pierre soit trahi, c’est affligeant» , estime ainsi Mgr Hippolyte Simon, archevêque de Clermont et vice-président de la Conférence des évêques.
Pour toutes ces raisons, bien peu des fidèles rencontrés ou contactés ces derniers jours envisagent de se mobiliser, ou même de faire connaître leur désapprobation. La proposition faite ici ou là par certains prêtres de prier pour le pape et ses collaborateurs au cours ou à la fin de la messe a été très bien accueillie, et jugée plus adaptée.
Une image «désolante» de l’Église pour les non-croyants
De l’aveu général, la perspective d’un retour dans l’Église des fidèles de Mgr Lefebvre inquiète bien davantage, tout comme «l’évolution politique et sociale en France» après l’élection de François Hollande, comme le reconnaît cette jeune trentenaire, qui a travaillé il y a quelques années à Rome dans une instance diplomatique proche du Saint-Siège, et qui avoue se sentir davantage concernée par «l’actualité européenne plutôt que celle du Vatican».
Finalement, les catholiques français redoutent surtout que cette nouvelle affaire ne laisse des traces chez les non pratiquants et l’ensemble de la population. À Tarbes, depuis leur maison diocésaine, les deux catéchistes redoutent que ces affaires ne compliquent leur tâche : «Elles donnent une image désolante de l’Église, alors que notre message, pour peu qu’il soit bien présenté, est totalement en phase avec les attentes des gens d’aujourd’hui».
D’une manière générale, regrette le P. Lescanne, elles entament un peu plus la confiance dans les institutions. «Toutes ces nouvelles qui se succèdent sur le sport pourri par le dopage, l’humanitaire dévoyé ou la corruption des hommes politiques instillent le doute. Elles nous laissent démunis, et risquent de conduire à un peu plus de repli sur soi». par Anne-Bénédicte HOFFNER et François-Xavier MAIGRE (avec Nicolas CÉSAR à Bordeaux), Tony Gentile Source
No comments:
Post a Comment
Ce "post" vous a plu ? Laissez donc un commentaire !