L'Islam mis à nu
Doit-on penser, au vu de la tradition islamique, que la doctrine islamiste est une déviance de l’islam et, de ce fait, considérer que les terroristes islamistes, par leurs actions, sont en contradiction flagrante avec le contenu des textes qu’ils considèrent comme sacrés, ou alors sont-ils des croyants dévoués appliquant à la lettre les enseignements de leur religion ? Pour apporter une réponse claire à ces interrogations, un regard rétrospectif sur l’idéologie islamique primitive et traditionnelle s’avère nécessaire. Regard qui, tout en permettant de savoir si l’islam authentique prône la violence, ou s’il la désapprouve, ne devra pas se limiter aux seuls textes coraniques, mais nécessitera également de s’appuyer sur un vaste corpus de traditions attribuées à Mahomet. Car les idées fortes qui caractérisent l’idéologie musulmane classique, et dont les islamistes se sont toujours fait écho, n’ont pas été tirées exclusivement du Coran.
Les textes sacrés de l’islam et leur disposition
Les textes sacrés de l’islam, fondateurs de la religion musulmane, sont agencés de façon stratifiée : le Coran, le premier, est situé au dessus de tous les autres ; la tradition prophétique (la Sunna) se place en seconde position ; enfin vient le droit islamique (al fiqh) qui tire l’essentiel de son essence des deux premiers.
Les prescriptions coraniques sont illustrées dans la Tradition par des exemples des dits et faits de Mahomet que la réglementation par le droit islamique en fait des dispositions obligatoires à respecter par tous les musulmans, voire tous les humains. Ces textes sont considérés par la quasi-totalité des musulmans comme des vérités éternelles, car, pour eux, ce sont des évidences sacrées «descendues» du ciel.
Après la mort du fondateur de l’islam, les premiers légistes musulmans ont été amenés à chercher les réponses juridiques aux multiples questions que le Coran laissait en suspens et très rapidement, elles ont été trouvées dans la vie et les propos de Mahomet, «le beau modèle» que tout musulman doit copier. Inéluctablement, cela entraîna alors, par ces légistes, au gré de leurs besoins, l’introduction forcée des textes (hadiths) parfois forgés qui allaient dans le sens de leurs convictions ou de leurs intérêts. Textes qui sont aujourd’hui qualifiés, avec une certaine naïveté, de «volonté divine» par l’immense majorité des musulmans.
Les hadiths (les dits) sont un ensemble de textes juridiques consignant des propos tenus par Mahomet , transmis oralement par des témoins sur plusieurs générations. On distingue les hadiths «qudsi» [1] où, selon les musulmans, Allah lui-même parle par le truchement de Mahomet), des hadiths sharìf [2] qui constituent les propres propos de Mahomet. Ce sont ces propos qui permettent de compléter le Coran, les hadiths portant des règles juridiques plus nombreuses et souvent plus précises. Du fait de la fiabilité que l’islam leur accorde, ils sont placés juste derrière le Coran et font l’objet d’une lecture pieuse.
Les premières collectes ont été faites à partir de l’an 720 et le nombre des hadiths atteignit alors presque le million. Des théologiens musulmans, voyant cette prolifération, durent procéder à un tri entre les «vrais» et les «faux» hadiths, puis classer les «vrais» par la méthode dite de «chaînes de transmission» (isnad), c’est-à-dire selon la crédibilité qu’inspirent les auteurs qui les ont transmis . [3] C’est ainsi qu’environ quatre-vingt mille hadiths ont été recensés, choisis et arrêtés comme canoniques par les traditionalistes de l’islam.
Chez les sunnites, les hadiths parfaits ont notamment été recueillis par Boukhârî al-Jou’fi (810-870) et Mouslim ibn al Hajjaj (816-875). On observe également l’existence de quatre autres recueils de hadiths canoniques appelés Sunan. Les plus autorisés des hadiths parfaits sont compilés en fonction de leur vivacité. Pour les sunnites, ils sont au nombre de six :
•Al-Boukhârî (810-870) avec pas moins de 2.762 hadiths différents ;
•Muslim ou Abû al-Husayn Muslim ben al-Hajjaj al-Quchayri an-Nisaburi (né à Nichapur en Iran vers 816 ; décédé le 6 mai 875) ;
•Muḥammad ibn Yazīd Ibn Māja (mort en 887) ;
•Abū Dāwud Sulaymān ibn al-Ash‘ath ibn Bashīr al-Azadī al-Sijistānī1 (817-889) ;
•Abū ‘Īsā Muḥammad ibn ‘Īsā ibn Sawra ibn Mūsā ibn al-Daḥḥāk al-Sulamī al-Tirmidhī (mort en 892) ; •Al-Nasay (mort en 915).
A noter aussi l’existence d’environ 30.000 textes de tradition (appelés al mousnad, [4] du rigoriste imam Ahmed ibn Hanbal (780-855, mort à Bagdad) qui font tous l’objet d’une lecture dévote.
La Sunna [5] est considérée comme le comportement modèle, car elle désigne «la coutume de Mahomet». Elle se réfère à sa vie en se rapportant à ses actions et non actions (sa façon de se vêtir, de boire, de manger, etc.), et parfois à celles de ses compagnons. C’est un ensemble de chroniques rapportant des traditions qui doivent orienter la vie du musulman dans ses moindres détails et qui concernent, par exemple, l’attitude qu’il doit adopter lorsqu’il fait ses besoins naturels, les gestes qu’il doit faire lorsqu’il s’apprête à manger etc.
Ce groupement de prescriptions juridiques se référant, en grande partie, à des usages bédouins préislamiques et des pratiques de vie des commerçants caravaniers arabes de l’époque de Mahomet, la Sunna se présente comme la légalisation et la sacralisation des coutumes mésopotamiennes et arabiques traditionnelles des périodes antique et médiévale. Des coutumes qui sont aujourd’hui, dans tous leurs détails, l’objet d’un respect dogmatique par la majorité des musulmans. La Sunna englobe l’ensemble des hadiths. Le Coran «al Qur’ân», [6], le message qu’on doit lire, mémoriser et appliquer, est le livre saint des musulmans autour duquel s’articule et se fonde leur foi. Écrit à l’origine en arabe, il est, selon eux, la loi divine qui a été «révélée» par Allah à Mahomet par l’entremise de l’ange Gabriel.
«C’est lui [Gabriel] qui, avec la permission d’Allah, a fait descendre sur ton cœur cette révélation qui déclare véridiques les messages antérieurs et qui sert aux croyants de guides et d’heureuse annonce». (Coran 2/97).
«Ô hommes ! Je suis [Mahomet] pour vous tous le Messager d’Allah» (Coran 7/158).
Sachant que :
«Quiconque obéit au Messager obéit à Allah» (Coran 4/80) ;
«Et quiconque désobéit à Allah et à Son messager…Allah est certainement dure en punition !» (Coran 8/13). L’islam accorde une existence antérieure au texte coranique qui était déjà «préservé sur une Tablette (auprès d’Allah)» (Coran 85/22), et le Coran se présente ainsi, pour les musulmans, comme un ensemble de textes « révélés », non pas inspirés ; «La Révélation du Livre, nul doute là-dessus, émane du Seigneur de l’univers» (Coran 32/1).
Pour eux, c’est la parole d’Allah :
«Nous l’avons fait descendre en révélation un Coran en [langue] arabe, et Nous y avons multiplié les menaces» (Coran 20/113) auxquelles tout le monde doit se soumettre, car «c’est le Livre au sujet duquel il n’y a aucun doute, c’est un guide pour les pieux» (Coran 2/2).
Mahomet reçut ses «révélations» (tanzil) pendant plus de 22 ans ! Au cours desquels il fut en liaison satellitaire permanente et presque directe avec Allah. Dans un premier temps, il les reçoit à la Mecque [7] puis à Médine [8]. Ces «révélations» furent ensuite transmises à ses compagnons sans qu’un inventaire systématique des textes soit effectué de son vivant.
Mais en réalité, le Coran est une authentique compilation d’idées religieuses variée issues d’autres croyances (zoroastriennes, chrétiennes, juives, etc.) et d’un ensemble de textes théologiques fondés sur une série de prescriptions dogmatiques au contenu juridique appartenant aux sociétés arabiques du Moyen-Âge. L’islam s’est approprié des chroniques des mythologies arabes et persanes préislamiques. Lors de sa gestation et pendant ses conquêtes expansionnistes, l’islam s’est aussi imprégné des cultures, pratiques, us et coutumes des sociétés hindoues, manichéennes et autres polythéistes.
L’islam a fait siennes plusieurs traditions païennes, juives et chrétiennes, c’est ainsi qu’il a adopté des récits, rituels et interdits alimentaires de certaines de ces croyances. Mahomet réécrit et adapte à l’islam plusieurs scénarii bibliques, comme celui de la Révélation. Il recherche un rapprochement théologique avec le judaïsme et le christianisme, dans l’objectif d’intégrer à l’islam l’héritage spirituel de ces deux religions. Il modifie, à son avantage, la biographie, les identités et les missions de nombreux prophètes bibliques tels Abraham (Ibrahim), Noé (Nouh) et Moïse (Moussa).
De sorte que, dernière née parmi ces trois religions, l’islam ose revendiquer une supériorité sur le judaïsme et le christianisme, qu’il accuse d’avoir « falsifié» le message divin qui leur avait été destiné. Se plaçant alors comme religion première et abrahamique, dont il se qualifie comme étant le seul héritier authentique.
«Abraham n’était ni juif ni chrétien. Il était entièrement soumis à Allah (musulman). Et il n’était point du nombre des Associateurs [les non-musulmans]» (Coran 3/67) ; «Et c’est ce qu’Abraham recommanda à ses fils, de même que Jacob : ''O mes fils, certes Allah vous a choisi la religion : ne mourrez point, donc, autrement qu’en Soumis'' (à Allah) [en musulman]» (Coran 2/132).
Car selon Mahomet, les juifs et les chrétiens, par jalousie envers l’islam, avaient falsifié la Bible qui annonce sa venue, lui le «dernier des prophètes, envoyés par Allah» pour guider l’humanité, alors que les prophètes d’Israël et Jésus, eux-mêmes musulmans (… avant la naissance de l’islam), avaient déjà annoncé sa venue. Ainsi, à travers l’islam, «la seule religion véridique et définitive», «C’est Lui [Allah] qui a envoyé Son messager avec la bonne direction et la religion de la vérité, afin qu’elle triomphe sur toute autre religion, quelque répulsion qu’en aient les associations.» (Coran 9/33). Mahomet prétend sceller la révélation prophétique par le rétablissement et le prolongement de la véritable révélation divine corrompue par les juifs, puis par les chrétiens.
Le fondateur de l’islam avait l’habitude de dicter ses «révélations» qui étaient consignées de façon fragmentaire sur des peaux ou des omoplates de mouton. Bien qu’il eut, lui-même déjà, donné au Coran l’essentiel de l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui, à sa mort c’est son premier successeur (calife), Abou Bakr [9], qui chargea Zayd ibn Thabit (l’ancien secrétaire en chef de Mahomet) de transcrire, en un ensemble, les fragments des sourates existantes. C’est enfin le troisième calife, ’Othmân ibn Affan [10], une vingtaine d’années après la mort de Mahomet, qui eut la responsabilité (vers 650) de compiler ces sourates en une vulgate.
La conformité du texte officiel avec la supposée «Révélation» fut mise en doute par les musulmans chiites, alors que pour les sunnites il est en parfait accord avec la réalité de la «Révélation». Les chiites accusent ‘Othmân d’avoir amputé, pour des raisons politiques, bien des versets favorables à Ali (cousin et gendre de Mahomet), à l’instar de ceux dans lesquels Mahomet aurait désigné ce dernier comme son successeur. Car Othmân (mari de Rokaya), autre gendre de Mahomet, fut choisi comme troisième calife, en 644, au détriment d’Ali (mari de Fatma-Zohra). Après l’assassinat d’Othmân, en 656, par les partisans d’Ali, c’est ce dernier qui prit le pouvoir, occasionnant un affrontement interne au sein de l’islam. Affrontement qui est à l’origine du plus grand schisme de l’histoire de cette religion.
Mais la réécriture historique de certains textes coraniques a été initiée par Mahomet lui-même :
«Si Nous abrogeons un verset quelconque ou que Nous le fassions oublier, Nous en apportons un meilleur, ou semblable.» (Coran 2/106 – et aussi Coran 16/101).
De nouveaux versets de la «parole d’Allah», a priori immuable, dans un souci de mise à jour, se substituaient à d’anciens qui n’étaient plus adaptés à des nouvelles situations : c’est la curieuse réalité du naskh. [11]
Chaque fois que Mahomet était confronté à un nouveau problème, il n’hésitait pas à modifier ce qu’il avait, dans un premier temps, proclamé publiquement comme étant une révélation divine pour la remplacer par une nouvelle. Cela lui permettait de s’adapter à toute nouvelle situation. Modifications qu’il attribuait toujours à Allah. Pour exemple, le changement de la direction vers laquelle les musulmans devaient désormais se tourner pour prier, qu’il fait passer de Jérusalem à La Mecque. Un autre exemple est celui des fameux «versets sataniques». Dans un premier temps, dans l’optique de plaire aux polythéistes de la péninsule arabique et concilier les partisans des croyances autochtones, opposés à ses prédications, Mahomet tente d’établir un syncrétisme acceptable pour les inciter à adhérer à ses «révélations» en délivrant des versets dans lesquels les trois déesses Lât, Ouzza et Manât sont glorifiées et leur intercession admise. Ces déesses étaient vénérées à la Kaaba et dans des villes d’Arabie par ces polythéistes et citées dans la sourate 53 intitulée An-Najm [12], aux versets 19 et 20 :
«Avez-vous considéré al-Lât et Ouzza ainsi que Manât, cette troisième autre [idole] ?» (Coran 53/19-20), «Ce sont les sublimes déesses et leur intercession est certes souhaitée» [13].
Mais plus tard, voyant le profond désarroi que ce soudain revirement commençait à causer au sein de ses adeptes les plus dévoués, Mahomet revient sur ces versets en expliquant à ses fidèles qu’en les délivrant, il avait succombé à une «tentation du diable». Ce d’ailleurs à quoi, selon lui, l’ange Gabriel lui aurait fermement reproché mais sans omettre de lui dire qu’étant donné qu’il est un homme il ne pouvait échapper aux tentations diaboliques et même y succomber... Mais, comme il est celui qui porte le «sceau de le Révélation », il avait été pardonné par «Allah le Clément et Miséricordieux.» Il lui fut alors révélé le verset 52 de la sourate 22, Al-hajj [14], venant abroger ces «versets sataniques» :
«Nous n’avons envoyé, avant toi, ni messager ni prophète qui n’ai récité (ce qui lui ai été révélé) sans que le diable n’ai essayé d’intervenir [pour semer le doute dans le cœur des gens au sujet] de sa récitation. Allah abroge ce que le diable suggère, et Allah renforce ses versets. Allah est Omniscient et Sage.»
Après la mort de Mahomet, les premiers califes ont continué ce que lui-même avait commencé : abroger les passages de leurs textes sacrés qui étaient en contradiction avec l’intérêt général de leur communauté, voire même avec des intérêts particuliers ou personnels. par Geneviève Harland Source
Notes :
[1]« paroles sacrées »
[2]« paroles nobles »
[3]Cette chaîne de transmission s’est faite de la façon suivante : «Y dit avoir entendu Z raconter qu’il avait écouté N dire qu’il était présent lorsque D raconta que Mahomet avait dit qu’il aime blabla bla»
[4]« l’étayer »
[5]la « conduite »
[6]« récitation »
[7](entre 610 et 622)
[8](de 622 jusqu’à sa mort en 632)
[9](632-634)
[10] (644-656)
[11]« abrogation »
[12](l’Etoile)
[13](passage soustrait des versions canoniques du Coran)
[14]« le pèlerinage »
No comments:
Post a Comment
Ce "post" vous a plu ? Laissez donc un commentaire !