Turquie: le pianiste Fazil Say, bête noire des islamistes, sera jugé
À Ankara, Fazil Zay, le pianiste turc de renommée internationale, est sommé de répondre devant la justice d'accusations d'atteinte aux valeurs religieuses en Turquie musulmane, où il a défié les islamistes en affichant son athéisme et son opposition au régime islamo-conservateur. Son procès s'ouvrira le 18 octobre devant un tribunal d'Istanbul qui a approuvé un acte d'accusation préparé la semaine dernière par un procureur de la métropole, a indiqué à l'AFP son avocate, Meltem Akyol.
"Mon client risque jusqu'à un an et demi de prison (...) Il sera présent à l'audience", a expliqué Me Akyol qui a souligné que l'accusé avait rejeté lors d'une récente audition les charges pesant sur lui.
Le virtuose du clavier, âgé de 42 ans, aussi célèbre pour ses talents de compositeur que pour ses interprétations du répertoire classique, sera jugé aux termes de l'article 216 du code pénal qui réprime l'atteinte aux valeurs religieuses, a-t-elle ajouté. M. Say avait attiré les foudres par des messages sur Twitter. Affichant son athéisme, il s'était moqué des religieux et plus particulièrement de l'appel à la prière du muezzin, citant des vers du grand poète persan du XIème siècle, Omar Khayyam. Des particuliers avaient saisi la justice, s'estimant lésés par ses propos sur les réseaux sociaux.
L'AFP a sollicité un entretien avec le pianiste mais son agent artistique a souligné que son client, visiblement irrité des remous autour de cette affaire, refusait de parler à la presse. Il a par le passé déclaré dans des entretiens à des journaux "aimer" son pays et son Ankara natal, où on peut le voir déambuler dans les rues.
Mais des militants islamistes l'attaquent régulièrement sur les réseaux sociaux ou sur les plateaux de télévision, l'accusant de bafouer la religion. Un député de l'AKP, Samil Tayyar, a déclaré que sa mère était "sortie d'un bordel".
Les tensions religieuses sont fréquentes en Turquie, pays qui a une tradition de laïcité mais où le Parti de la justice et du développement (AKP), issu de la mouvance islamiste, est au pouvoir depuis 2002.
Ce n'est pas le premier bras de fer entre le pouvoir et le pianiste, laïc convaincu et fils d'un intellectuel engagé. En 2007, son Requiem pour Metin Altiok, dédié au poète turc, brûlé vif par une foule d'islamistes intégristes avec 36 autres intellectuels laïcs à Sivas (centre) en 1993, avait été censuré par le ministère turc de la Culture. Quand le pianiste donne des interviews et qu'il s'inquiète d'une "poussée islamiste", il reçoit des lettres d'injures et même des menaces de mort.
L'artiste a réagi à la procédure judiciaire qui le frappe en déclarant: "Je suis peut-être la seule personne au monde à faire l'objet d'une enquête pour avoir déclaré mon athéisme", et d'ajouter que s'il n'a pas d'autre choix il s'exilera au Japon, où il se produit régulièrement.
Il rejette aussi le cloisonnement artistique, mélangeant classique, jazz, improvisations et musique contemporaine. "Si je suis condamné à la prison, ma carrière sera terminée", a insisté le musicien qui remplit des salles entières de Tokyo à Berlin, Paris, Londres ou Salzbourg. par Burak AKINCI Copyright © 2012 AFP Source
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