Curés, imams, délégués laïques rémunérés aux frais de l'Etat : le député MR Destrebecq appelle à soulager les finances publiques d'un fardeau de 110 millions d'euros qu'il juge d'un autre âge.
Ministre en charge des cultes, Annemie Turtelboom (Open VLD) ne ferme pas le débat. Elle l'évacue :
«A choisir entre financer la mise en oeuvre de la loi Salduz et continuer à rémunérer les ministres du culte, y a pas photo.»
La religion d'Olivier Destrebecq est faite : autant l'assistance d'un suspect par un avocat est une évidence qui s'impose, autant le salaire public d'un représentant religieux est une nécessité qui ne saute pas aux yeux.
Paroles en l'air, puisque le choix ne se pose pas. Justement : le député MR appelle à bousculer les lignes. Les temps s' y prêtent, estime-t-il. Accablé par les soucis financiers, l'Etat ne peut plus tout supporter. Continuer à prendre en charge le traitement des prêtres, imams et autres délégués laïques finirait par passer pour un luxe superflu. L'élu libéral choisit ses mots : «Il faut pouvoir distinguer ce qui reste indispensable de ce qui l'est moins.»
L'homme dément partir en croisade, lancer une chasse aux sorcières. Il en fait une question de gros sous. Un principe de sagesse budgétaire. «L'Etat doit protéger la liberté de culte, mais cela ne passe pas par le paiement des salaires des représentants religieux. Le financement des ministres du culte n'est qu'un compromis qui met les finances de l'Etat en difficulté.» Cela revient à mettre sur le tapis le deal entre l'Eglise et l'Etat, vieux comme la Belgique : les Eglises ont obtenu leur indépendance, mais c'est l'Etat qui met la main au portefeuille. Les ministres des cultes catholique, protestant, israélite, anglican ont été les premiers servis. Les représentants des cultes islamique en 1974, et orthodoxe en 1985, ont suivi. Les délégués de la laïcité organisée complètent le tableau depuis 2002.
Manque de transparence
En deux bons siècles, ce système hybride a eu le temps de mal vieillir. D'accumuler les griefs : manque de transparence et de contrôle, inégalité de traitement entre convictions, régime de faveur pour l'Eglise catholique qui décroche 85,8 % de l'enveloppe budgétaire. Le dernier groupe de travail à s'être saisi de la question penche pour une solution soft : redistribuer de manière équitable la manne financière entre les cultes, sans l'alléger pour autant.
«Le débat se cristallise autour de la réforme des modalités du financement, bien davantage qu'autour de son hypothétique suppression», relève Caroline Sägesser, collaboratrice au Centre interdisciplinaire d'étude des religions et de la laïcité à l'ULB. Depuis que la laïcité organisée reçoit aussi sa part du gâteau, la volonté de couper les vivres aux représentants religieux s'est émoussée.
Destrebecq se retrouve un peu seul pour creuser sa piste d'économie budgétaire. Sans certitude qu'elle rapporterait gros à l'Etat. Caroline Sägesser a des doutes : «Les économies escomptées resteraient marginales. Le financement public des cultes, hors cours philosophiques, s'élevait globalement à 320,6 millions d'euros en 2008. Un tiers de ce montant est affecté au traitement des ministres du culte que verse la Justice. La source potentielle d'économies se situe davantage au niveau des Régions : dans les interventions financières des communes et des provinces pour les fabriques d'église.»
Le député MR ne s'avoue pas vaincu. Il a le modèle français pour lui : «La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.» Et il invite la ministre en charge des cultes à briser le tabou. «Je vous demande d'abroger ce reliquat du passé.»
Annemie Turtelboom (Open VLD) n'a pas remballé l'appel du pied. Facile : la question globale de la reconnaissance des cultes figure dans l'accord de gouvernement. Mais les priorités sont ailleurs, à la réforme de la Justice avant tout, et l'on peut compter sur les partenaires CD&V et CDH de la coalition pour qu'il en soit ainsi. Le chantier religieux, ce sera au plus tôt pour la prochaine législature. A Pâques ou à la Trinité. par Pierre Havaux Source
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