À Montréal au Québec, un cours d'éthique et de culture religieuse divise les parents. |
Au mois de février, une affaire portait le système éducatif québécois dans la presse européenne. Son objet : une discussion autour de l'ECR (cours d'éthique et de culture religieuse), programme scolaire qui a pris effet en 2008 dans le primaire et le secondaire.
Pour François Gauthier, sociologue québécois auteur de l'ouvrage collectif intitulé Jeunes et religion au Québec, ce programme a parfois fait l'objet de mauvaises interprétations. Il serait, en réalité, une solution adaptée au Québec actuel.
Le 17 février dernier, la Cour suprême du Canada rendait son jugement dans l'affaire dite de Drummondville. Le cas examiné : celui de deux parents catholiques qui avaient demandé aux tribunaux le droit de dispenser leurs enfants des cours d'éthique et de culture religieuse. Selon eux trop «relativiste», cet enseignement risquait de faire perdre toute religion à leur progéniture.
Loin d'être exceptionnel, ce type d'événements se produit régulièrement depuis la création de l'ECR. Surtout parce que certaines personnes telles que les parents de Drummondville (2300 particuliers depuis 2008) s'accrochent à leur culture religieuse et considèrent que l'ECR présente une menace pour la transmission de la religion catholique aux nouvelles générations. Car, cet enseignement consiste en une présentation laïque de toutes les confessions présentes au Québec. Le catholicisme, le protestantisme, l'islam, mais aussi des religions minoritaires telles que le bouddhisme.
Très imprégnée par le catholicisme, l'histoire québécoise permet de comprendre cette réaction de rejet. «La naissance de l'ECR s'inscrit dans une histoire longue et complexe. Il incarne le processus de laïcisation de la société québécoise, qui s’est principalement faite à travers le débat sur la déconfessionnalisation du système
d’éducation, après une ère de nationalisme à fondement linguistique et catholique à partir de la Conquête britannique de 1760», rappelle le chercheur François Gauthier.
Ainsi, loin de rompre avec le système éducatif antérieur, l'ECR poursuit un mouvement amorcé dès les années 60 avec la Révolution tranquille, période marquée par la séparation de l'Église et de l'État et par la construction d'un nouveau nationalisme québécois. Dès lors, en effet, c'est l'école qui est le vecteur des mutations sociales québécoises.
Pour bien enraciner la laïcisation de la province, l'État prend en charge le système éducatif en créant un réseau national de lycées et d'universités. Après de longs débats, un décret gouvernemental instaure en 1983 un système d'option entre un enseignement moral, ou apprentissage de «valeurs» et un enseignement confessionnel, catholique ou protestant.
L'ECR est donc une suite logique à ce qui précède.
Plus tard, dans les années 90, un besoin de sortir complètement de l'enseignement confessionnel se fait sentir. Après de longs débats entre tenants et opposants d'une éducation religieuse, l'ECR est rendue
effective en 2008. Selon François Gauthier, «ce programme a tout de suite fait la quasiunanimité».
Contrairement à ce qui a parfois été dit, il n'y aurait donc jamais eu de rejet généralisé des cours d'éthique et de culture religieuse.
L'affaire de Drummondville et ses semblables serait le fait de «quelques personnes un peu intégristes qui ont peur de ne pas pouvoir transmettre la foi catholique à leurs enfants et qui regrettent un Québec de tradition», précise le chercheur. Selon lui, «l'ECR est une excellente solution qui correspond au Québec pluraliste actuel. Aborder les différentes religions de façon neutre est un excellent rempart contre les extrémismes et le refus de l'autre».
Que l'ECR aborde en même temps des questions d'éthique et de culture religieuse y est pour beaucoup. Ainsi, la religion n'est pas tout à fait déconnectée des valeurs qu'elle véhicule. Cela n'allait pourtant pas de
soi : de longues controverses entre les partisans de la séparation des deux domaines et ses détracteurs auraient pu donner à l'ECR un visage tout autre. Pour autant, le programme tel qu'il est n'est pas sans présenter quelques risques plus relatifs à la manière d'enseigner l'ECR qu'à l'ECR lui-même.
«Le danger d'un tel programme est de voir le Québec perdre son épaisseur historique», redoute François Gauthier. «La recherche de neutralité dans cet enseignement peut tendre à promouvoir une idéologie du multiculturalisme.» Lui-même professeur dans le département des sciences des religions de l'UQAM (Université du Québec à Montréal), un des grands acteurs de cette approche culturelle des religions, il remarque qu'à force de vouloir mettre sur un plan d'égalité toutes les religions, une importante réserve a fini par entourer les monothéismes afin d'éviter tout discours confessionnel.
Au final, plus que le catholicisme central dans l'histoire québécoise, ce sont les religions orientales qui, dans les faits sont souvent les plus abordées en classe. Et aussi les «religions amérindiennes», qui donnent souvent lieu à des ateliers pratiques avec conteurs, reconstitution de rites et autres folklores. «Le pire, c'est que ces soidisants religions amérindiennes n'existent pas, les populations amérindiennes étant fortement christianisées et ayant été déculturalisées par rapport à leurs propres traditions. Elles habitent, pour la plupart, dans des réserves souvent insalubres créées par le gouvernement canadien, en marge de la société», déplore le professeur.
Bien sûr, l'ECR n'est pas le seul facteur de risques pour l'histoire québécoise. La progression d'une idéologie individualiste néolibérale, pas propre au Québec mais à l'ensemble des pays occidentaux, est même bien plus «dangereuse». D'autant plus que le Québec n'est pas un pays et qu'il n'a pas d'autonomie réelle par rapport aux Anglosaxons.
D'où la nécessité de prendre garde à la santé du système éducatif. Source
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