Barack
Obama, un croyant qui ressemble à l’Amérique
© Justin Sullivan / Getty Images / AFP |
Barack Obama, premier président noir des Etats-Unis, candidat à
sa réélection le 6 novembre, a toujours cumulé les singularités et les
paradoxes. Parmi ses traits caractéristiques : sa foi, libre et décomplexée, qui
ne ressemble pas à celle de son adversaire Mitt Romney. En revanche, elle
correspond à une Amérique plus hétérogène que jamais.
Depuis que l’Amérique est l’Amérique, c’est-à-dire croyante à 90%, un
candidat à l’élection présidentielle se doit de parler de sa foi personnelle.
Barack Obama ne constitue pas une exception, multipliant depuis plusieurs mois
des rencontres avec des leaders religieux, communiquant à l'envi sur son
habitude de prier «tous les jours» et de lire la Bible. Dans une vidéo publiée
par son équipe de campagne, on le voit même prier à la Maison Blanche et avec sa
famille, dans une certaine ostentation qui ne lui ressemble absolument pas.
Ces apparences ne sont pas toutes trompeuses. Si on
devait le prendre au mot, sa foi structure vraiment sa pensée et son action
politiques. Dans une interview publiée le 21 août dernier par la Washington
National Cathedral Magazine, une revue religieuse, il a déclaré : «Ma foi
chrétienne me donne une perspective et une sécurité que je n'aurais pas par
d'autres moyens : que je suis aimé et qu'à la fin de la journée, Dieu est aux
commandes.» La foi présidentielle relève d'une évidence soulignée notamment par
Stephen Mansfield, auteur de La foi de Barack Obama, une des meilleures
biographies non hagiographiques du président américain : «Obama, dit-il,
considère que sa foi doit influencer la manière de gouverner le pays. Il apporte
ainsi des valeurs religieuses dans la sphère politique.» Là réside probablement
un des aspects les plus importants – et, en France, un des plus méconnus - du
président démocrate.
Trois des actes les plus forts de son
mandat sont explicitement inspirés par ses valeurs chrétiennes : sa
réforme du système de santé, qui permettra à terme à quelques 35 millions
d’Américains d’accéder pour la première fois à une couverture des soins ; le
sauvetage par l’Etat fédéral des emplois dans l’industrie automobile ; le «
discours du Caire» du 4 juin 2009 où il a notamment prôné le dialogue entre «l’Amérique et l’islam», qui «se nourrissent de principes communs, à savoir la
justice et le progrès, la tolérance et la dignité de chaque être humain.» En
même temps, et en totale opposition à la droite chrétienne, Obama a toujours
été, à l’instar du Parti démocrate, explicitement en faveur du droit à
l’avortement. Depuis six mois, il se prononce aussi en faveur du mariage
homosexuel. Dans certains milieux chrétiens conservateurs, on s'interroge
ouvertement sur sa foi et le traite de non-croyant ou même de musulman (parce
que son beau-père l'était).
Quelle est donc cette foi
présidentielle ? Obama fait partie des «chrétiens progressistes», un
terme qu’il utilise souvent lui-même, ou de la «Religious Left». Il s’agit
d’une catégorie de croyants engagés, parfois pro-life, qu’il ne faut surtout pas
confondre avec la «Liberal Left», une faction farouchement antireligieuse au
sein du Parti démocrate. Sur le plan confessionnel, Obama est un protestant
libéral. C’est un courant spirituel développé à partir du XIXe siècle au sein
des Eglises protestantes «historiques» ou «main-line» (comme par exemple
l’Eglise réformée de France). Héritier de l’humanisme, reconnu pour son exégèse
critique des textes et une certaine remise en cause des dogmes chrétiens, ce
libéralisme a produit de grands penseurs comme Reinhold Niebuhr (1892-1971), un
des «maîtres spirituels» d'Obama. Comme les protestants main-line en général,
les Eglises libérales sont en déclin depuis des décennies. Mais il y a plusieurs
exceptions.
Ainsi Trinity United Church of Christ, une
mega-church (église qui attire au moins 2000 personnes au culte) dans la
banlieue sud de Chicago, au cœur des quartiers très pauvres. C'est sur la même
rue qu'Obama, nouvellement diplômé de l'université de Columbia, a commencé sa
carrière en 1985 en tant qu’animateur social. Venu de l'incroyance et d'un
profond scepticisme, il s’y est converti en 1988, il s’y est marié avec
Michelle, brillante avocate, et il y a fait baptiser ses deux filles. «En
m'agenouillant sous un crucifix dans le quartier South Side of Chicago, j'ai
senti l'Esprit de Dieu me faire signe. Je me suis soumis à sa volonté et je me
suis engagé à découvrir sa vérité», résume-t-il simplement dans un de ses
discours les plus connus devant le Congrès à Washington le 28 juin 2006.
Axée sur la théologie de la libération noire, des ministères
sociaux et une vie communautaire très riche avec des cultes émouvants, Trinity a
surtout fait découvrir à Obama que la foi pouvait être, selon ses propres mots,
«un agent actif, tangible, dans le monde». Comme l’explique son biographe
Stephen Mansfield, «il vint à la foi comme beaucoup de gens de sa génération,
moins pour se joindre à une tradition religieuse que pour découvrir un peuple
auquel appartenir ; moins pour adopter un ensemble de doctrines que pour être
chaleureusement accueilli par ceux qui y croyaient déjà.»
Au printemps 2008, six mois avant son élection, Obama a pris
ses distances avec l'église Trinity. La presse a révélé que le pasteur Jeremiah
Wright, militant anti-raciste historique, avait dérapé en tenant des propos
incendiaires contre son pays, estimant par exemple que les attentats du 11
septembre étaient compréhensible. Un incident très médiatique, exploité par les
médias, mais qui n’a pas entamé l’engagement chrétien, quoique discret, d’Obama.
«Il a gardé sa foi, qui est très intellectuelle. Il parle parfois comme un
évangélique, en insistant sur sa rencontre personnelle avec Jésus, mais il n’a
rien d’un born again», explique Lauric Henneton, historien et auteur d’une
Histoire religieuse des Etats-Unis. par Source
[...] Pour aller plus loin
> Retrouvez l'intégralité de notre
enquête dans l'édition papier de La Vie, du jeudi 25 octobre
2012
> Suivez la campagne présidentielle américaine sur lavie.fr , avec nos articles et les analyses de Lauric Henneton, historien et auteur d'une Histoire religieuse des Etats-Unis.
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