"La France est un de pays les plus sécularisés au monde. Du coup, un tabou règne sur la question de la religion, en particulier en entreprise. Cela bloque les solutions à des problèmes tout à fait solubles."
Exigences alimentaires à la cantine, refus de serrer la main d'une femme, port d'un signe vestimentaire ostensible... Les managers sont désormais confrontés à l'expression de la diversité religieuse sur le lieu de travail. Conseils pratiques de Jean-Luc Pouthier, professeur à Sciences Po et fondateur du Cefrelco (Centre d'étude du fait religieux contemporain).
Les chefs d'entreprise sont aujourd'hui confrontés à des demandes liées à la diversité religieuse : aménagement d'horaires pour le jeûne, salles de prière... Quelles réponses apporter ?
Le plus souvent, l'appartenance religieuse s'exprime en entreprise par le port de signes vestimentaires distinctifs, ou par des demandes liées à des pratiques rituelles. Un salarié ou une salariée vient au bureau en portant une kippa ou un foulard, ou souhaite dégager du temps et s'isoler pour prier. Ces manifestations de la croyance religieuse sont parfois plus difficiles à gérer que les questions de nourriture à la cantine, par exemple. Pour les managers, il s'agit alors d'éviter toute décision qui pourrait être interprétée comme une pratique discriminatoire.
Que dit la loi à ce sujet ?
Il n'est pas inutile de rappeler que la France est un de pays les plus sécularisés au monde. Moins de 40% des Français affirment croire en Dieu. Du coup, un tabou règne sur la question de la religion, en particulier en entreprise. Cela bloque les solutions à des problèmes tout à fait solubles. La loi de 1905 a séparé les Eglises et l'Etat, tout en affirmant le respect de la liberté de conscience et de culte. Tout ce qui est lié à l'Etat, l'administration, le secteur public, est donc réputé laïque, c'est-à-dire neutre en matière de religion. L'entreprise, elle, est un lieu privé: aucune loi ne dicte l'attitude à adopter par les managers afin de gérer la diversité religieuse au travail.
Le cadre légal est suffisant pour régler les problèmes auxquels les managers font face
A l'automne 2011, le ministre de l'Intérieur et des Cultes Claude Guéant avait annoncé qu'il ferait des propositions sur la question de la religion en entreprise. Malgré les attentes, il ne l'a pas fait. Il a affirmé que les précisions à apporter à la loi de 1905 ne feraient pas l'objet d'une nouvelle législation.
Sur ce point au moins, je suis tout à fait d'accord avec lui. Le cadre légal est suffisant pour régler les problèmes auxquels les managers font face. Le respect des croyances doit s'inscrire dans le respect du bon fonctionnement de l'entreprise. La non-discrimination ne peut être invoquée face à des problèmes de sécurité, ou dans les bons rapports avec la clientèle. Le Haut conseil à l'intégration a entamé sur ce plan une réflexion dont il conviendra de suivre les développements.
Concrètement, que peuvent faire les managers ?
D'abord, s'informer. Connaître les calendriers et exigences des grandes confessions religieuses permettrait d'anticiper certaines demandes ou complications logistiques. Il existe désormais à l'université ou dans des structures privées, des formations à l'anthropologie des religions ou au management de la diversité religieuse: aux universités de Paris-Dauphine, d'Aix-en-Provence, ou à l'Institut catholique de Paris, mais aussi au Centre d'étude du fait religieux contemporain, dont c'est une des missions.
Comment pratiquer sa religion sans gêner son travail ou celui de ses collègues ?
Ensuite, c'est une question de gestion des ressources humaines. Il s'agit de prendre en compte à la fois le cadre juridique général, l'organisation du travail dans l'entreprise et la liberté du salarié. Comment permettre à celui-ci de pratiquer sa religion sans gêner son travail ou celui de ses collègues (lieu de prière, aménagements d'horaire, variation des menus de la cantine...) ?
En matière religieuse, dans le secteur privé, il convient de fonctionner au cas par cas pour ne discriminer personne. Les Québécois ont mis en pratique sur ce plan ce qu'ils appellent les "accommodements raisonnables", dans un contexte de diversité religieuse proche de celui de la société française. Peut-être pouvons-nous trouver de ce côté une source d'inspiration. par Mark Blinch Source
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