L’appartenance religieuse des électeurs déterminante dans le vote
À l’occasion d’une rencontre avec l’Association des journalistes d’information religieuse (Ajir), mercredi 4 avril à Paris, le sondeur Jérôme Fourquet, et le politologue et historien Philippe Portier ont souligné la persistance du facteur religieux dans le vote des Français. La sécularisation de la société, « l’élément religieux renforce les tendances lourdes », résume Philippe Portier, directeur du Groupe Sociétés, religions, laïcités à l’École pratique des hautes études. Invité à s'exprimer devant les membres de l'Association dee journalistes d'information religieuse, aux côtés du sondeur Jérôme Fourquet, le politologue et historien a souligné la persistance du facteur religieux dans le vote d'une part importante des Français.
Ainsi, chez les catholiques, et en particulier chez les catholiques pratiquants, les comportements électoraux s’éloignent-ils fortement de la moyenne nationale. « Les électeurs catholiques sont plus à droite que la moyenne, et plus on est pratiquant, plus on vote à droite, notamment vers l’UMP, et avec une prime très nette à Nicolas Sarkozy », relève Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégie d’entreprise de l’Ifop.
Tropisme à droite de l’électorat catholique
Le président sortant, qui rassemble actuellement 28 % d’intentions de vote chez les Français, monte ainsi à 34 % chez les catholiques non-pratiquants et à 45 % chez les pratiquants. À l’inverse, le candidat socialiste François Hollande ne rassemble que 16 % des intentions de vote des catholiques pratiquants (24 % des non-pratiquants). Une tendance qui se confirmerait au second tour où Nicolas Sarkozy rassemblerait 70 % des suffrages des pratiquants et encore 55 % de ceux des non-pratiquants. « Il faut ajouter ici une variable d’âge, tempère Jérôme Fourquet : l’électorat catholique est plus âgé que la moyenne. Mais même s’il obtient la majorité des votes des plus de 65 ans, Nicolas Sarkozy est loin d’y faire un score de 70 % ! »
Ce tropisme à droite de l’électorat catholique, se retrouve aussi au sein de l’électorat protestant. Longtemps classé à gauche, celui-ci a opéré depuis quelques années un basculement à droite, comme le rappelait une récente enquête de l’Ifop pour Réforme où Nicolas Sarkozy apparaît loin devant dans le vote protestant.
Grandes disparités régionales du vote protestant
« On peut avancer plusieurs facteurs, avance Jérôme Fourquet : le vieillissement, le poids des évangéliques, mais aussi, comme pour une partie de l’électorat catholique, le fait que certains protestants perçoivent assez mal que l’islam tienne le haut du pavé dans le débat public. »
Le sondeur de l’Ifop souligne aussi les grandes disparités régionales du vote protestant. Ainsi François Hollande ne recueille-t-il que 13 % des intentions de vote des protestants, majoritairement d’origine luthérienne, de l’Est mais 37 % dans le grand Sud d’obédience plutôt réformée (Nicolas Sarkozy y faisant respectivement 35 % et 31 %). À l’inverse, Marine Le Pen rassemblerait 28 % du vote protestant dans l’Est et seulement 9 % dans le Sud.
Si cette tendance du vote Front national a longtemps été restreinte dans le vote catholique, et notamment chez les catholiques pratiquants longtemps hermétiques au FN, une évolution a vu le jour à partir de 2002 : aujourd’hui Marine Le Pen est juste en dessous de la moyenne chez les pratiquants et au-dessus chez les non-pratiquants.
Les électorats religieux demeurent minoritaires
Du côté de l’électorat juif, une récente enquête de l’Ifop pour le Cevipof a souligné que cet électorat, très hétérogène et longtemps marqué à gauche, connaît désormais une très nette représentation à droite. « La question de l’appartenance religieuse fonctionne ici très bien pour expliquer le vote, quelle que soit l’appartenance sociale », résume Jérôme Fourquet.
En fait, seul l’électorat musulman penche, très majoritairement, à gauche : au second tour, François Hollande recueillerait ainsi 80 % des voix musulmanes. « Il n’y a pas de catégorie sociologique aussi homogène que celle-là », constate Philippe Portier. Ici, « la question de la place de l’islam dans la société française, renforcée par un fort réflexe anti-droite, explique ce penchant pour la gauche », résume Jérôme Fourquet. S’il ne nie pas la place du facteur religieux dans le vote, le sondeur de l’Ifop relève toutefois que ces électorats religieux demeurent minoritaires dans l’électorat. Avec 14 % de catholiques pratiquants, 2 % à 3 % de protestants, 5 % à 6 % de musulmans, moins de 1 % de juifs, cet électorat religieux forme à peine 30 % de l’électorat. « La situation est très différente de celle des États-Unis », souligne-t-il.
Les candidats doivent être très attentifs à leur façon de s’adresser à ces électorats
Mais cet électorat peut toutefois se révéler déterminant : 70 % d’intention de vote chez les catholiques pratiquants représentent ainsi un avantage de 3 points au second tour pour Nicolas Sarkozy !
Reste que les candidats doivent être très attentifs à leur façon de s’adresser à ces électorats. Jérôme Fourquet prend ainsi l’exemple du discours de Nicolas Sarkozy à Grenoble, sur la délinquance, qui avait provoqué de fortes réticences des responsables catholiques. « Sa cote de popularité n’a toutefois pas diminué chez les catholiques, explique-t-il. La baisse dans ce segment de l’électorat avait eu lieu bien avant, au moment de la polémique sur la nomination de Jean Sarkozy à la tête de l’Epad de la Défense et le double salaire d’Henri Proglio. »
Pour Philippe Portier, s’il ne faut donc pas minorer la part de subjectivité de chaque électeur, « il reste des fractions de l’électorat qui ne changent jamais leur vote. Cela est dû aux univers culturels et religieux dans lesquels ces électeurs sont insérés ». Il prend ainsi en exemple les enquêtes successives sur les valeurs des Européens qui soulignent que les pratiquants d’une religion votent toujours nettement plus à droite que les personnes sans religion ou non-pratiquants. « La pratique est plus que l’adhésion à un simple rituel. C’est une adhésion à un système de valeurs, explique-t-il. Si on estime qu’il existe une puissance normative qui transcende notre subjectivité, on est alors forcé de prendre ses distances avec une gauche qui prône le relativisme des valeurs. » par Nicolas Senèze
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