Le Vatican fait le dur apprentissage de la transparence financière
Engagé par Benoît XVI, l’effort pour une plus grande transparence se heurte à la nécessité de maintenir la spécificité du Saint-Siège comme État souverain, avec ses propres critères d’organisation interne.
Banque du Vatican (vue ext. de l'IOR) |
La procédure est banale, trente États ou institutions sont ainsi en cours d’évaluation. Mais elle a pris, sur les bords du Tibre, une tout autre ampleur du fait des récents événements : l’éviction d’Ettore Gotti Tedeschi, président de l’Institut pour les œuvres religieuses (IOR), «la banque du Vatican», comme les fuites répétées de documents confidentiels. C’est toute la capacité du Saint-Siège à s’adapter aux critères de transparence qui règlent la vie internationale qui est en jeu.
Souci de transparence du pape
La volonté du pape, elle, ne fait aucun doute. Le 30 décembre 2010, Benoît XVI signait un motu proprio (décret) pour intégrer « toutes les organisations affiliées au gouvernement de l’Église catholique au système de règles et d’instruments juridiques que la communauté internationale met en place pour garantir une coexistence honnête et juste dans un monde de plus en plus globalisé ». Une Autorité d’information financière est alors créée, aux pouvoirs étendus.
Le pape est persuadé que le Saint-Siège doit se conformer aux normes de bonne gestion, défendues d’ailleurs par la doctrine sociale de l’Église. C’est un même souci de transparence et d’adaptation qui l’a conduit à demander à ce que les sanctions pénales de l’Église pour les prêtres coupables d’abus sexuels sur mineurs respectent les législations des pays. Mais comment jouer ainsi le jeu des institutions internationales, tout en conservant la souveraineté du Saint-Siège et sa spécificité ? Au sein de la Curie, en tout cas, la chose ne va pas de soi, et a donné lieu à un vif débat.
Ainsi, en avril 2011, dans la suite logique du motu proprio, le Saint-Siège, qui bénéficie d’un statut d’observateur permanent au Conseil de l’Europe, demande à faire l’objet de l’agrément de Moneyval. Mais après une première visite, en novembre 2011, ce dernier exige la modification de la législation financière pontificale : en cause, l’Autorité d’information financière du Vatican, qui est à la fois organisme de contrôle et de gestion.
«Societas perfectas»
«Societas perfectas»
Car Moneyval ne se limite pas à demander des améliorations sur tel ou tel point. C’est à une totale refonte des systèmes légaux et financiers que s’attaque l’organisme, provoquant une confrontation interne très dure au Vatican. Au final, la loi a bien été modifiée, mais sans aller jusqu’à doter l’organisme de contrôle financier d’une autonomie totale. Impossible, dans un système comme le Saint-Siège, où le pouvoir du pape est absolu, d’instituer un contre-pouvoir.
Toute la construction juridique de la papauté repose en effet sur l’affirmation de sa souveraineté comme État, et sa spécificité par rapport au monde sécularisé dont il ne veut pas adopter tous les critères.
Dans un discours remarqué, prononcé devant l’université du Latran le 23 novembre 2010, le cardinal Tarcisio Bertone, Secrétaire d’État, évoquant l’activité diplomatique du Saint-Siège et ses rapports avec le monde, a même utilisé le concept de «societas perfectas» pour qualifier ce dernier, manière de rappeler que, selon la Tradition, l’Église dispose de façon stable et indépendante de tous les moyens dont elle a besoin pour poursuivre les buts spirituels qui sont les siens, et sur lesquels aucune législation ne peut interférer.
Le Vatican devrait obtenir l’agrément minimal de Moneyval
Le Vatican devrait obtenir l’agrément minimal de Moneyval
Ainsi, sur le plan financier, une certaine opacité a longtemps été justifiée pour permettre au Vatican de financer les Églises dans les pays où elles étaient interdites, à l’Est ou en Amérique latine. La crainte est réelle de voir progressivement le Vatican perdre son autonomie financière, notamment par rapport à la banque centrale italienne. Ses relations trop étroites avec le système financier italien auraient, dit-on, coûté son poste à Ettore Gotti Tedeschi.
Au final, le Vatican devrait obtenir l’agrément minimal de Moneyval, mais tout en refusant de se conformer totalement aux procédures recommandées, de façon à maintenir son originalité juridique. Aux yeux des responsables romains, il s’agit d’un équilibre à préserver, entre adaptation au monde et spécificité religieuse : la condition pour continuer à défendre les valeurs de l’Église catholique de par le monde. Isabelle de Gaulmyn, à Rome Source
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