Nouvelles fractures : la religion musulmane fait l’objet d’un profond rejet
L’étude exclusive «France 2013 : Nouvelles Fractures» conçue par Ipsos a conçu et réalisée pour Le Monde, la Fondation Jean Jaurès et le Cevipof, met en exergue une forte crispation autour de l’islam.
Rarement la défiance envers l’islam aura été aussi clairement exprimée par la population française. 74% des personnes interrogées par Ipsos estiment que l’islam est une religion «intolérante», incompatible avec les valeurs de la société française. Chiffre plus radical encore, 8 Français sur 10 jugent que la religion musulmane cherche «à imposer son mode de fonctionnement aux autres». Enfin, plus de la moitié pensent que les musulmans sont «en majorité» (10%) ou «en partie» (44%) «intégristes», sans que l’on sache ce que recouvre ce qualificatif.
Ces proportions varient certes en fonction de l’âge et de l’appartenance politique des sondés, mais, signe de l’enracinement de ces opinions dans l’imaginaire collectif, elles restent largement majoritaires dans toutes les catégories. Ainsi, 61% des sympathisants de gauche et 66% des moins de 35 ans jugent que l’islam n’est pas compatible avec les valeurs républicaines.
Sondage après sondage, les résultats montrent que l’image de l’islam se dégrade fortement depuis une dizaine d’années. Les raisons de ce rejet massif sont à la fois externes et internes, comportent une part de fantasmes mais reposent aussi sur des inquiétudes objectives. La visibilité accrue des musulmans dans la société au fil des années, l’émergence de nouvelles revendications se sont accompagnées de discours alarmistes sur «l’islamisation» supposée de l’Europe et une instrumentalisation politique de ces questions.
Au-delà de demandes jugées légitimes par les pouvoirs publics, –construction de mosquées, prise en compte de l’islam dans l’armée, les prisons, les hôpitaux, condamnation des actes antimusulmans…–, d’autres sont toujours jugées exorbitantes par une partie de l’opinion, car perçues comme une atteinte à la laïcité : port du foulard, demande de restauration halal, pratique religieuse sur le lieu de travail… Ainsi, 72% des sondés s’opposent aux repas adaptés aux convictions religieuses à l’école.
«Amalgame»
La situation géopolitique et des évènements tels que l’affaire Merah alimentent aussi les inquiétudes face aux dérives terroristes de groupes se réclamant de l’islam. Jusqu’à présent, les autorités musulmanes se sont contentées de demander que soit évité «l’amalgame entre l’islam modéré et l’islamisme», plaidant même récemment pour l’abandon de ce terme dans le discours public.
«Au-delà d’un contexte d’angoisse diffuse ou d’un fond irréductible d’intolérance, ces chiffres constituent un avertissement aux musulmans; ils doivent s’interroger de façon critique sur l’islam, juge le philosophe, spécialiste de l’islam et de la laïcité, Abdennour Bidar. Mais ils sont auss ile résultat de la doxa multiculturaliste, qui a laissé l’extrême droite se saisir de ces sujets. Pourtant, la gauche et la droite républicaine peuvent trouver un équilibre entre le refus de stigmatiser les musulmans et le fait de demander des comptes à l’islam par rapport à la tradition républicaine.»
par Stéphanie Le Bars Source
L'étude source :
On savait les Français très préoccupés par l’emploi et le pouvoir d’achat ; les résultats de l’enquête mettent en évidence un autre mouvement : le profond repli de l’opinion qui atteint en ce début d’année 2013 un niveau jamais égalé. Ce mouvement se caractérise par une très forte défiance à l’égard du monde extérieur et d’autrui.
Pour 78% des personnes interrogées, «on n'est jamais trop prudent quand on a affaire aux autres», 58% pensent que «la France doit se protéger davantage du monde d’aujourd’hui plutôt que de s’ouvrir au monde extérieur». On observe parallèlement un important rejet du système démocratique et médiatique.
Pour 62% des Français, «la plupart des hommes et des femmes politiques sont corrompus» contre seulement 38% pour qui il s’agit d’un phénomène minoritaire.
58% estiment que les journalistes font mal leur travail et 72% qu’ils ne parlent pas des vrais problèmes des Français. Les attentes de l’opinion se positionnent pour un renforcement de l’autorité politique et de l’échelon national.
87% des Français sont d’accord avec l’idée selon laquelle «on a besoin d’un vrai chef en France pour remettre de l’ordre» ; 65% estiment que pour faire face aux grands problèmes à venir il «faut renforcer les pouvoirs de notre pays quitte à limiter ceux de l’Europe».
Ce mouvement d’opinion traduit bien davantage que la nième étude sur la défiance des Français. En effet, l’enquête fait également apparaître une adhésion parfois massive à certains propos xénophobes et une forte crispation autour de l’Islam.
70% des Français se sentent proches de l’idée selon laquelle «il y a trop d’étrangers en France» (contre 30% qui se positionnent sur l’item opposé : «il n’y a pas trop d’étrangers en France»).
Pour 67% des personnes interrogées, «on ne se sent plus chez soi comme avant» (contre 38% qui estiment qu’on se sent «autant chez soi aujourd’hui qu’avant»). Enfin, près de trois Français sur quatre (74%) pensent que la religion musulmane n’est pas tolérante et pas compatible avec les valeurs de la société française (contre respectivement 28% et 11% pour la religion catholique et 34% et 25% pour la religion juive).
On savait l’opinion publique française pessimiste et inquiète depuis longtemps. On la découvrait à chaque enquête annuelle de plus en plus défiante. On la mesure maintenant dans le repli, la crispation identitaire et un rejet profond de l’Islam.
Cette enquête fait également apparaître des porosités de plus en plus marquées entre certains électorats. Sur le terrain de l’identitaire et de la demande d’autorité, les sympathisants UMP sont maintenant idéologiquement extrêmement proches des sympathisants FN : massivement hostiles aux étrangers et à l’Islam et en demande d’un «vrai chef». Ils s’en démarquent en revanche sur la mondialisation, l’euro et l’Europe. De même, il existe des points de convergence forts entre les sympathisants du FN et ceux du Front de gauche pour critiquer la mondialisation, les medias, les responsables politiques et l’islam en tant que religion qui voudrait «imposer son mode de fonctionnement» ou qui serait intolérante.
Enfin, au-delà de la très grande richesse des résultats d’ensemble et des résultats triés par la sympathie partisane des interviewés, leur profession ou leur niveau de diplôme, Ipsos a également réalisé une analyse typologique particulièrement intéressante. Elle fait apparaître 5 grands groupes, allant des «bobos» aux «populistes» en passant par les «libertaires», les «ambivalents» et les «crispés». Une typologie éclairante sur les nouvelles fractures françaises. Source
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