Des États-Unis au Canada : quand la religion oriente la politique
La campagne pour la direction du Parti Républicain, qui vient mathématiquement de prendre fin avec les dernières victoires de Mitt Romney fut, de l'aveu même de l'ancien candidat John McCain, l'une des plus virulentes de l'histoire du parti. Elle fut aussi l'une des plus surréalistes. Un de ses moments forts s'avéra la dénonciation par Rick Santorum du discours de John F.Kennedy dans lequel ce dernier déclarait qu'il croyait en une Amérique où la séparation entre l'Église et l'État est totale. Exalté par sa ferveur moralisatrice digne d'un ayatollah, Santorum claironna que cette déclaration le «faisait vomir». Il aurait pu commenter de la même manière le premier amendement de la Constitution américaine. Celui-ci stipule en effet que «Le Congrès ne promulguera pas de loi conférant un statut institutionnel à une religion ou interdisant le libre exercice d'une religion...»
Une nation laïque ouverte à tous
Contrairement à ce que voudraient le faire croire les intégristes religieux qui dominent aujourd'hui la politique américaine, la volonté des pères fondateurs n'était pas de faire des États-Unis une nation chrétienne. Il apparait clairement des écrits de Thomas Jefferson et James Madison que leur intention était au contraire de créer «un mur entre la religion et l'État», pour reprendre les termes du premier lorsqu'il écrivit en 1802 à des Baptiste de Dandury.
Jefferson est aujourd'hui l'un des présidents les plus respectés des historiens, mais l'un des moins cités par les politiciens qui se réclament toujours de Washington et de Lincoln, et parfois des Roosevelt, de Truman ou de Reagan. Dignes héritiers des pèlerins dévots de la Nouvelle-Angleterre, les politiciens contemporains se montrent mal à l'aise avec l'ouverture d'esprit des pères fondateurs et encore plus avec les décisions de la Cour suprême qui, depuis la seconde moitié du 20e siècle, ont confirmé que le principe de la séparation de l'Église et de l'État s'applique non seulement au gouvernement fédéral, mais aussi aux états.
En fait, ce mur n'a jamais été reconnu par une pléthore de politiciens et même de juges qui ont dénoncé la jurisprudence qui en a confirmé l'existence. Une des manifestations les plus éloquentes de ce rejet est l'ajout en 1954 du mot « Dieu » au serment d'allégeance au drapeau américain par Eisenhower. D'ailleurs, depuis Carter, tous les présidents, y compris Obama, n'ont jamais manqué l'occasion d'affirmer à quel point leur foi chrétienne faisait d'eux de meilleurs présidents. Il serait impensable d'être élu à ce poste en étant musulman, bouddhiste ou, pire encore, agnostique.
Les exaltés du Canada
Au Québec, mis à part quelques nostalgiques de la grande noirceur et de l'Index comme le maire Tremblay de Chicoutimi-Saguenay, les références à la pratique de la religion dans l'exercice d'une fonction publique sont plutôt rares. À Ottawa par contre, la situation est différente. Bien sûr, le préambule de la Charte canadienne se lit comme suit : «Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit», mais cette mention qui mettait Trudeau mal à l'aise a été jugée purement symbolique par les tribunaux.
Certains députés canadiens ont toutefois entrepris de faire publiquement étalage de leurs convictions. Outre les professions de foi créationnistes de Stockwell Day, la troupe de Stephen Harper cache avec difficulté ses convictions mystiques. Les ''fous de Dieu'' s'échappent ainsi lors d'événements ponctuels, comme lorsqu'en janvier 2011, en avion, des députés conservateurs se sont précipités autour d'une collègue libérale pour proférer des incantations pendant qu'elle étouffait à cause d'une allergie, ou encore, lorsqu'un mois plus tard, le député Maurice Vellacott se lançait dans une longue tirade sur son adoption par le «père céleste», lors d'une session d'un comité de travail sur le soutien offert par Ottawa aux parents adoptifs.
Certains pourront dire que cet étalage de mysticisme est après tout plutôt bénin et qu'il n'empêche généralement pas les élus de faire leur travail. Il faut leur rappeler que les convictions religieuses des élus ont pourtant souvent une incidence cruciale sur leur vision du monde et sur les politiques qu'ils adoptent. Nul besoin de souligner ici l'opposition des intégristes chrétiens à toutes les méthodes de contraception et même à l'avortement en cas de viol. Au-delà de la sphère sociale, cette croyance peut même orienter les relations internationales.
Ainsi, l'appui indéfectible d'une kyrielle de politiciens fondamentalistes chrétiens à Israël n'est pas avant tout guidé par amitié, respect ou même intérêt stratégique, mais par la conviction que l'Armageddon promis dans la Bible ne se produira que lorsque le royaume d'Israël sera reconstitué. Tous ceux qui ne se seront pas convertis périront alors, Juifs y compris. Espérons que l'aveuglement politique de Stephen Harper et de John Baird à l'égard d'Israël repose sur des bases plus solides.
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