Les livres de classe palestiniens et israéliens perpétuent les préjugés
C'est dans les livres de classe que se situe une part importante des racines, en tout cas de la perpétuation, du conflit israélo-palestinien. D'où l'intérêt de se livrer à une analyse approfondie de leur contenu. Trois experts se sont attelés à cette tâche, pendant trois ans : les professeurs Sami Adwan, de l'université de Bethléem, Daniel Bar-Tal, de l'université de Tel-Aviv, et Bruce Wexler, de l'université américaine de Yale.
Le résultat de leur travail, rendu public lundi 4 février, montre que les manuels exposent "un récit national unilatéral, qui présente l'autre comme l'ennemi, dressent la liste des actions négatives contre leur propre communauté, et présentent celle-ci de façon positive. Les événements historiques, bien que n'étant ni faux ni fabriqués, sont présentés de façon sélective afin de renforcer le récit national de chaque communauté."
Tout en convenant que les descriptions tendant à "déshumaniser" l'autre sont rares, tant dans les livres de classe israéliens que palestiniens, les auteurs soulignent "un manque d'information à propos de la religion, de la culture, de l'économie et des activités quotidiennes de l'autre, ou même de son existence (...). L'absence de ce type d'informations sert à dénier la présence légitime de l'autre", écrivent-ils.
RIGUEUR DE LA MÉTHODOLOGIE
Le rapport montre que la présentation négative de l'autre communauté et l'absence d'information à son propos, la présentation positive de sa propre communauté, sont plus prononcées dans les livres de classe des écoles ultraorthodoxes et palestiniennes, que dans les écoles d'Etat israéliennes. Cette étude a été lancée en 2009 par le Conseil des institutions religieuses de Terre sainte (qui représente les religions chrétienne, musulmane et juive) et elle a été financée par le département d'Etat américain, mais l'un et l'autre ont pris leurs distances avec ses conclusions.
Les trois professeurs ont insisté sur la rigueur de la méthodologie et sur le large éventail de livres de classe étudiés : 640 manuels (492 israéliens, 148 palestiniens) ont servi de base à leur recherche. Le rapport insiste sur la question des cartes contenues dans les manuels scolaires : 58 % des livres de classe palestiniens et 76 % des livres israéliens ne mentionnent aucune "frontière" (la "ligne verte" de l'armistice de 1949 marquant la séparation entre Israël et la Cisjordanie) entre la mer Méditerranée et le Jourdain, alors que 4 % des manuels palestiniens et 13 % des livres israéliens identifient clairement - avec une légende - les deux territoires.
"L'ENNEMI"
Les récits des manuels reflètent l'état des relations entre les deux parties. Selon 81 % des livres de classe palestiniens, les Israéliens sont l'"ennemi", 75 % des manuels israéliens qualifiant de la même façon les Palestiniens. De même, 87 % des livres palestiniens jugent "négatifs" ou "très négatifs" les actes des Israéliens, alors que 51 % de ces derniers ont, d'après leurs livres de classe, un jugement similaire sur les Palestiniens.
Le premier ministre palestinien, Salam Fayyad, a estimé que les conclusions de cette étude prouvent que les manuels palestiniens ne contiennent "aucune forme d'incitation" (à la haine), une accusation récurrente des autorités israéliennes. Côté israélien, les réactions ont été unanimement négatives : le ministère de l'éducation, qui a refusé de coopérer avec les auteurs du rapport, a estimé qu'il s'agissait de calomnier Israël, tandis que Moshe Yaalon, ministre des affaires stratégiques, a affirmé : "Les jeunes Israéliens sont éduqués dans un esprit de paix, alors que les Palestiniens sont éduqués pour haïr Israël et embrasser le djihad. Ce sont des faits."
Les auteurs rappellent que le contenu des livres de classe est une forme de déclaration publique des gouvernements, et qu'il influence les croyances et les attitudes des enfants à propos de l'"autre". Ils estiment que la question de l'"éducation pour la paix", qui inclut le rôle des livres de classe, devrait faire partie de l'agenda des négociations entre les deux parties. Source
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