Le gouvernement chinois assouplit ses règles sur le droit à la religion afin de rendre une moralité suite aux divers scandales... mais veut les contrôler.
Face au vide moral que révèle la multiplication des scandales, le gouvernement communiste joue la carte des valeurs spirituelles de plus en plus plébiscitées.
Service dominical en la Shangai Moore Memorial Church (temple protestant). DR. |
Ces dernières années, les tentatives du gouvernement chinois de recourir aux valeurs religieuses pour combler le vide moral dont témoigne la multiplication des scandales de toute nature en Chine aujourd’hui ont été nombreuses. L’appel lancé en août dernier par le président Xi Jinping de «construire une civilisation matérielle et spirituelle» s’inscrit assurément dans cette ligne politique.
Pour autant, la politique religieuse des autorités chinoises ne semble pas évoluer. Conçue autour d’un système ne comprenant que cinq religions officiellement reconnues et enregistrées, cette politique ne dispose pas de la souplesse nécessaire pour prendre en compte la diversité du paysage religieux actuel, ni ne permet de sortir d’un régime où les autorités en place ne conçoivent pas de ne pas pouvoir contrôler, d’une façon ou d’une autre, les activités religieuses de la population chinoise. Dans les trois ‘Pour approfondir’ qu’Églises d’Asie publie aujourd’hui, différents articles écrits par des observateurs situés hors de Chine et des intellectuels chinois actifs en Chine dressent un état des lieux de la question de la réforme de la politique religieuse du gouvernement chinois, un chantier pour l’heure très peu avancé.
[Le premier des ces trois ‘Pour approfondir’ est tiré de Question Chine, site francophone fondé en 2002 sous l’impulsion de Henri Eyraud, observateur confirmé des questions chinoises. Il a été mis en ligne le 19 octobre 2013.]
Pour autant, la politique religieuse des autorités chinoises ne semble pas évoluer. Conçue autour d’un système ne comprenant que cinq religions officiellement reconnues et enregistrées, cette politique ne dispose pas de la souplesse nécessaire pour prendre en compte la diversité du paysage religieux actuel, ni ne permet de sortir d’un régime où les autorités en place ne conçoivent pas de ne pas pouvoir contrôler, d’une façon ou d’une autre, les activités religieuses de la population chinoise. Dans les trois ‘Pour approfondir’ qu’Églises d’Asie publie aujourd’hui, différents articles écrits par des observateurs situés hors de Chine et des intellectuels chinois actifs en Chine dressent un état des lieux de la question de la réforme de la politique religieuse du gouvernement chinois, un chantier pour l’heure très peu avancé.
[Le premier des ces trois ‘Pour approfondir’ est tiré de Question Chine, site francophone fondé en 2002 sous l’impulsion de Henri Eyraud, observateur confirmé des questions chinoises. Il a été mis en ligne le 19 octobre 2013.]
Beaucoup d’observateurs l’attestent, il y a aujourd’hui en Chine une accélération de la quête religieuse, dont nombre de recherches rendent compte depuis plusieurs années. Dans cette société où le confucianisme s’est imposé comme une «non-religion» et l’épine dorsale «quasi sacrale» du lien de société, on n’en est certes pas encore à considérer le retour du religieux comme ferment social et politique. Mais, alors qu’on assiste à un renouveau de la ferveur dans les lieux de culte et à un engouement indubitable pour la religion chrétienne, notamment protestante, on peut se demander si le retour de la foi n’est pas, à l’exemple de ce qui se passe ailleurs, «une réinvention des pratiques et des discours, bricolant des points de repère de sens pour échapper au désenchantement de la société moderne» (P. Michel Masson, SJ, directeur de l’Institut Ricci). En Chine, on le sait, l’engouement religieux est aussi pour certains milieux un moyen de contourner le quadrillage de la société.
Dans ce contexte, il semble que le pouvoir commence à considérer la renaissance des pratiques religieuses comme un levier, peut-être plus efficace que le droit – et moins dangereux pour lui-même –, afin de reconstruire une morale sociale et politique très dégradée, alors que l’éthique publique et privée est mise à mal par d’incessants dérapages moraux et déontologiques. On peut cependant douter que la nouvelle tolérance religieuse dont fait preuve le pouvoir parviendra à corriger les dérapages moraux des cadres et à rétablir la confiance des fidèles dans le régime.
Une dépêche de l’agence Reuters du 29 septembre 2013, qui s’appuie sur des sources anonymes, met l’accent sur la nouvelle tendance du président Xi Jinping à tirer partie de la résurgence des engouements religieux : «L’influence des religions sera subtilement favorisée par le pouvoir, qui graduellement réduira ses attaques contre elles.»
En février 2013, Xi Jinping avait rencontré à Pékin le moine bouddhiste Hsing Yun, figure emblématique de la mouvance politico-religieuse taïwanaise, proche du Guomindang, partisan de la «politique d’une seule Chine» et fondateur du mouvement Fo Guang Shan 佛光山, (‘La montagne de la lumière du Bouddha’) ; en juillet, à la demande de Xi Jinping, Zhang Lebin, vice-directeur du Bureau des Affaires religieuses rédigeait un commentaire dans le Quotidien du Peuple exhortant les cadres à «traiter les religions avec considération» et à «respecter le droit des citoyens à pratiquer une religion».
En août, Xi Jinping, dont quelques-uns de ses proches affirment qu’il est attaché à la pratique du bouddhisme, appelait à «construire une civilisation matérielle et spirituelle» (traduire «soutenir en même temps la croissance et la moralité publique et privée»). Enfin, en juillet et en août, Yu Zhengsheng, n° 4 du Comité permanent du Bureau politique du Parti, en charge des questions religieuses au Tibet et au Xinjiang, visitait une mosquée au Xinjiang et cinq temples dans les zones du Grand Tibet – une fréquence de visites de lieux de culte très inhabituelle pour un aussi haut dirigeant du Parti.
Dans le sillage de cette stratégie du pouvoir, dont on voit bien qu’en première analyse elle est articulée autour d’une vision politique de la religion, vue à la fois comme un moyen de désamorcer l’irrédentisme des deux provinces les plus marquées religieusement et un adjuvant moral et éthique à l’action du gouvernement pour reconstruire la confiance mise à mal par les constants dérapages déontologiques de l’administration et des hommes d’affaires, il est un phénomène qui mérite attention : l’augmentation rapide notée par le pouvoir chinois lui-même du nombre de fidèles des Églises chrétiennes, avec un net avantage aux conversions protestantes.
Les chrétiens plus nombreux
Le 10 octobre dernier, le Global Times, surgeon du Quotidien du Peuple, publiait un intéressant article qui mettait en perspective ce mouvement. Citant un rapport du IXème Congrès des chrétiens de Chine, le journal notait qu’en cinq ans 2,4 millions de Chinois s’étaient convertis au christianisme tandis qu’on construisait plus de 5'000 églises à travers le pays.
Alors qu’au moment de la fondation de la République populaire en 1949, il y avait à peine 700'000 fidèles chrétiens, d’après les statistiques officielles, ils étaient aujourd’hui 25 millions (18 millions de protestants et 7 millions de catholiques). Encore – et c’est une autre nouveauté inhabituelle pour la presse officielle qui d’habitude traite ces questions avec une prudence contrite, voisine de l’omerta –, l’article précisait que le nombre des pratiquants était sérieusement sous-estimé puisqu’une part considérable de chrétiens préféraient fréquenter les «églises souterraines» ou les «églises domestiques» plutôt que celles autorisées par le pouvoir.
Se risquant à une estimation, l’auteur citait Liu Peng, chercheur à l’Académie des Sciences sociales et expert du développement du christianisme en Chine, qui affirme que le nombre de fidèles dissidents était au moins égal au nombre des pratiquants qui fréquentent les églises «officielles». Une enquête du Pew Research Center, basé à Washington, situait le nombre de chrétiens à 67 millions, avec approximativement 55 millions de protestants et seulement 12 millions de catholiques, dont le nombre stagne en partie du fait des mauvaises relations avec le Vatican et des répressions politiques qui en résultent.
Une culture politique antireligieuse difficile à modifier
Après un assez long historique de scission entre les Églises officielles et les groupes rebelles, le Global Times rapportait le jugement très critique de Yang Fengguang, directeur du Centre d’études des religions de l’Université John Purdue (Indiana, Etats-Unis) et auteur de Religion in China : Survival and Revival under Communist Rule (Oxford University Press, USA, oct. 2011) : «L’actuelle politique religieuse de la Chine est un héritage du passé, sérieusement déconnecté des réalités sociales modernes (…). Le gouvernement chinois doit procéder à une mise à jour de sa manière d’appréhender le phénomène religieux pour l’adapter au changement (…).»
Surtout, la citation se terminait par un appel à plus de tolérance religieuse. Publié dans un organe de presse officiel, le message prenait une importance particulière : «Le gouvernement devrait autoriser les différentes Églises à s’enregistrer légalement, ce qui serait utile pour la construction d’une société harmonieuse.»
Il y a cependant peu de chances que ces appels produisent un effet à court terme tant les Églises souterraines sont jalouses de leur indépendance et craignent les manipulations politiques.
En effet, bien qu’inscrite dans la Constitution chinoise, la liberté religieuse a sans cesse été battue en brèche par le Parti, dont l’athéisme est consubstantiel de l’idéologie fondatrice. Sans remonter aux persécutions cruelles de l’ère maoïste, on se souvient du harcèlement paranoïaque exercé à l’encontre du mouvement Falungong, dont des milliers d’adeptes ont été mis sous les verrous depuis 1999, ou bien de l’arrestation par Jiang Zemin en 1995 d’un enfant de 6 ans successeur désigné du dalai lama, pourtant considéré par les bouddhistes tibétains comme une figure sacrée, juste après celle du dalai lama.
En même temps, nombre de cadres considèrent toujours les religions comme des «superstitions féodales». En juin dernier, Zhu Weiqun membre du Comité central, n° 2 du Front uni et membre du Comité permanent de la Conférence consultative du Peuple chinois en charge des affaires tibétaines, expliquait, dans une interview au magazine China Newsweek, que les membres du Parti ne devraient pas être autorisés à pratiquer une religion.
Certains, comme Lin Chong-Pin, professeur associé à l’Institut d’études stratégiques de l’Université de la Défense nationale taïwanaise, considèrent cependant que l’ouverture vers les religions se doit d’être à la fois sincère et intéressée : «Pour sauver le Parti de la crise où il est enfoncé, Xi Jinping doit trouver le moyen de combler le vide spirituel.» par Jean-Paul Yacine Source
COMMENTAIRE :
Le ''dragon'' se réveille ! Mais sera t-il de bonne humeur ?
C'est toujours là où la paix est interdite, que les hommes travaillent encore plus pour elle !
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