Fouad Benyekhlef |
Ces derniers mois les djihadistes venus de Belgique et partis combattre en Syrie ont fait couler beaucoup d’encre. Mais pour Fouad Benyekhlef, Président des musulmans progressistes de Belgique, le djihadisme n’a rien à voir avec l’Islam. Il est porté par des partisans du totalitarisme qui exploite la naïveté et la situation difficile de certains musulmans.
Certains qualifient le djihadisme de secte nuisible et y voient un groupe religieux dissident de l’islam. Cependant, cette mouvance n’est pas une "simple" secte, aussi péjoratif que soit ce terme, car il n’est tout simplement pas un groupement religieux au sens étymologique du terme mais plutôt un projet politique aux méthodes criminelles en contradiction totale avec l’esprit religieux à proprement parler. En effet, le djihadisme a un macabre projet qui consiste à éliminer toutes personnes, musulmanes ou non d’ailleurs, qui porteraient atteinte à ses visées masquées par un habit religieux : en somme, les djihadistes ne sont ni plus ni moins que des tartuffes en kalachnikovs.
Une activité polycriminelle
On est loin des formes fondamentalistes d’une religiosité qui met l’accent sur l’observance des rites mais on a plutôt affaire à un phénomène "d’hybridation" ou "de convergence" (cf. Xavier Raufer, CLES, Hors-Série n°4, Pour une géopolitique des risques, mars 2011) avec l’univers politico-criminel coiffé de la sémantique islamique. Effectivement, la bonne pratique rituelle ainsi que la quête du savoir, profane ou religieux, ne sont que secondaires pour ne pas dire de circonstance. En revanche, les adeptes restent obnubilés par l’instauration d’un régime totalitariste comme seul objectif dans ce monde et de surcroît dirigé par leurs leaders sanguinaires qui appliquerait une charia interprétée à leur sauce indigeste. La rétribution espérée n’est donc pas que céleste, leur royaume est bien de ce monde.
Exception faite pour les "petits soldats" embrigadés auxquels on ne promet qu’une récompense post-mortem : le paradis du martyr. Reste à espérer que ce statut sera attribué aux victimes plutôt qu'à leurs bourreaux. Sans oublier le fait que certains de leurs parrains-gourous si vénérés trempent dans divers trafics. En effet, leurs activités relèvent davantage de la polycriminelle car les organisations djihadistes s’adonnent à des secteurs d’activité en fonction des opportunités et des incitations, au sens économique du terme. Ce ne sont pas les prescriptions religieuses qui prévalent en matière pécuniaire. L’apport de certains princes ou états complices de manière officieuse n’est évidemment pas à négliger. Leur capacité financière est incontestablement d’ampleur macro-économique.
Le ''djihad", un terme usurpé
La grille d’analyse adéquate afin d’appréhender le djihadisme est donc bel et bien la géopolitique, la criminologie jointes à la géothéologie (Cf. Oubrou Tareq, Privot Michaël et Baylocq Cédric, Profession imâm, Paris, Albin Michel, 2009).
De plus, le djihadisme n’est plus uniquement étatique, la globalisation a permis la multiplication des flux humains qui transcendent les frontières de l’État. La Syrie et les attentats perpétrés dans de grandes villes aux populations innocentes en sont de tristes exemples. Saisir la complexité ainsi que la logique de cette mouvance dans sa globalité sans occulter son véritable projet est primordial pour en saisir les visées. Malheureusement, il est juste de dire que cette idéologie a influencé la politique sécuritaire voire autoritaire par moment de notre pays ainsi que l’image assez négative qu’a l’opinion publique de la communauté musulmane locale.
Car le djihadisme s’invite et se cache au sein même de la communauté musulmane en utilisant les mêmes codes vestimentaires et les mêmes terminologies religieuses que les imams ou ultra-orthodoxes. Le terme même de "djihad" est usurpé et cette mouvance n’en respecte pas les règles scripturaires. Ils font valoir des concepts dévoyés qui sont présentés avec sympathie à la future recrue potentielle tout en exprimant de l’empathie quant au sort des opprimés dans le monde, lequel est bien évidemment instrumentalisé. Notons qu’en définitive, en filigrane de ces discours apparait la silhouette d’un djihadiste armé qui recrute pour envoyer au front les sympathisants traités en vulgaires chairs à canon tandis qu’eux-mêmes se complaisent à vivre dans l'aisance des fastes palais orientaux ou pire des aides sociales occidentales.
Le djihadisme doit être combattu par les musulmans eux-mêmes
La véritable identité des recruteurs est donc bel et bien passée sous silence, c’est grâce à cela que les djihadistes, très actifs sur la toile, ont pu embrigader nombre d’individus la plupart du temps des convertis ou "born again", à la situation souvent précaire, des pseudo-islamisés de manière émotive et non intellectuelle ou encore moins spirituelle. Ils auront une réponse fallacieuse à tous les maux de leur nouvelle recrue, surtout concernant les régimes autoritaires dans les pays musulmans ou encore du racisme institutionnel en Belgique. Ces derniers constituent des facteurs qui favorisent et légitiment l’extrémisme.
Enfin, force est de constater que l’univers symbolique de l’islam n’est toutefois qu'une stratégie car la politique n’a pas vocation à réformer le cœur et l’esprit, ce travail spirituel ne leur importe que très peu. Il est donc important de prévenir ce genre d’immixtion entre le politique et le religieux afin de ne pas laisser des individus en quête de foi se retrouver otage d’une idéologie dont le seul culte est la fascination du djihad dans sa forme erronée. Le projet suicidaire inavoué et non orthodoxe est un terrorisme perpétré à l’étranger et peut-être un jour ici-même. Le djihadisme n’a pas sa place au sein de la communauté musulmane plurielle, sa réalité doit être exposée en pleine lumière en plus d'être combattue avec force par toutes les composantes de la société et en premier lieu, les musulmans eux-mêmes. Il est primordial de dénoncer ce chancre de l’islam afin de permettre une prévention sous forme de sensibilisation contre ces logiques immorales et ces méthodes propres au crime organisé.
Fouad Benyekhlef, Président des Musulmans Progressistes de Belgique (asbl)
Fouad Benyekhlef est co-fondateur de Musulmans Progressistes de Belgique. Cette asbl. a pour finalité la promotion d'une citoyenneté participative. Elle vise à mieux mettre en valeur et à affirmer la vision progressiste et démocrate portée par des Belges de confession musulmane. Elle veut aussi provoquer le dialogue et rompre l’inertie et la sclérose qui règnent au sein des populations musulmanes belges.
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