Qu'est-ce que croit la société québécoise ?
Une charte sur la laïcité ? Pour qui et pourquoi se questionne la société québécoise ?
Qu'est-ce que croit la société québécoise ?
L'une des plus importantes célébrations de la religion catholique est à nos portes, et à en croire un certain discours médiatique, les Québécois ont rejeté tous les dogmes religieux et vivent dans la société la plus sécularisée du monde.
La réalité est tout autre. Selon les données des recensements canadiens, une majorité d’entre eux se définissent encore comme catholiques. Seulement 1% de la population se dit athée, à peine plus agnostique.
Et selon un sondage Léger marketing pour l’Association des études canadiennes, l’attachement «modéré ou grand» des Québécois à leur religion a augmenté au cours des dernières années, passant de 26% en 2010 à 34% en novembre, tandis qu’
il diminuait dans le reste du Canada.
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Notre-Dame de Montréal, Qc. |
Mais quelle religion ?
Comme la majorité des Occidentaux, les Québécois ont rejeté à divers degrés le modèle hiérarchisé et immuable des grandes religions. L’Église catholique n’est pas la plus affectée: malgré son ouverture sur l’ordination des femmes et l’homosexualité très «politically correct», l’Église anglicane n’a pas pu freiner son déclin, le plus accentué du monde occidental.
Mais si les églises québécoises sont à peu près vides, la quête de sens est toujours bien présente. Même si elle ne passe plus par les grandes religions. «Les gens cherchent à trouver ce qui convient à leur bien-être», dit Louis Rousseau, professeur titulaire au département des sciences religieuses à l’UQAM. La vérité est évaluée par chacun, selon ses besoins.
On se méfie des grands bâtiments. On préfère les petits groupes où on bâtit des relations. «Les grands systèmes de croyances complexes sont abandonnés au profit de cinq ou six propositions simples. Le principe d’autorité est remplacé par celui du bien-être.» C’est l’idée de la religion à la carte.
On s’inscrit au tai-chi, à des séances de méditation inspirées d’un bouddhisme «décapé à l’Occidental», on lit des essais de Nouvel Âge, on trippe sur l’énergie. «Ça a l’avantage de ne pas se présenter comme du religieux, dit Louis Rousseau, même si c’en est.»
Car les questions demeurent. «Ça fait entre 100 000 et 200 000 ans que les humains sont capables de construire des univers qui les dépassent, dit Louis Rousseau. Qu’ils posent des paradoxes fondamentaux auxquels il n’y a pas de réponses simples. J’ai étudié ce que l’humain a bâti de plus complexe, les religions, des architectures fascinantes de la pensée.»
La baisse de fréquentation de l’Église, de ses codes, de son langage, voire de sa musique, a des répercussions très nettes, selon le professeur. «Les Québécois ont perdu la complexité des images de dieu, sa poésie, son langage.» D’où un appauvrissement, croit-il, de l’expérience religieuse. «Les gens disent: j’ai ma spiritualité. Mais ils ne la pratiquent pas. Et c’est comme pour un sport: si on ne le pratique pas, on devient moins habile.»
Une quête bien réelle
À l’UQAM, où Louis Rousseau enseigne depuis 40 ans, son cours d’histoire du christianisme, qui est ouvert à tous, connaît un regain de popularité, avec une centaine d’étudiants inscrits session après session. «Ils savent que le christianisme a déjà été la plus grande religion en Occident. Mais leurs parents ne leur ont rien dit. Il y a une curiosité réelle.»
La complexité du message religieux, son enseignement, a été évacuée, dit Louis Rousseau, au profit de deux ou trois énoncés un peu superficiels. Et des problèmes réels de l’Église, notamment les scandales de pédophilie, ou les prises de position jugées socialement rétrogrades.
«Le problème du christianisme de type catholique, c’est celui de la signification de son message. Comment le rendre vivant? On ne se reconnaît plus dans sa version ecclésiastique.»
Mais la quête de sens est toujours là, en toile de fond. «On est dominé par une économie capitaliste vouée à la consommation, et on est rendu au bout de cette corde-là. Il y a une crise environnementale, cosmique, globale. Et c’est dans ces moments de grande vulnérabilité que les gens tentent de chercher un sens à tout ça, de trouver quelque chose.»
Mais quoi ? L’avenir le dira. Mais parions qu’il y aura plus d’une réponse à ces questions.
par Martine Turenne Source
Une charte sur la laïcité ? Pour qui et pourquoi se questionne la société québécoise ?
Je ne connais pas grand monde qui se réveille la nuit en se disant: merde, on a vraiment besoin d’une charte de la laïcité au Québec! Mais qu’est-ce que le gouvernement attend? Même en souffrant d’insomnie grave...
Pourtant, un de nos ministres, Bernard Drainville, responsable des Institutions démocratiques, consacre son précieux temps à une «consultation sur la laïcité» qui doit aboutir, avant l’ajournement de juin, sur un «document de réflexion».
Des changements pourraient même être apportés à la Charte québécoise des droits et libertés au terme de cet exercice.
Tout ça après que la commission Bouchard-Taylor sur les accommodements raisonnables ait intelligemment réfléchi sur cette question et proposé une série de recommandations tout aussi intelligentes.
Un concept bien françaisPassons le fait que cette consultation est la énième de ce gouvernement depuis son élection, et regardons sa pertinence: le Québec a-t-il besoin d’une charte de la laïcité pour s’assurer que ses citoyens vivent dans un espace neutre, où l’État n’a pas d’apriori religieux?
Le concept même de laïcité, issu de la France républicaine, stipule une séparation stricte entre la société civile et religieuse. Il s’inscrit dans un lieu et une histoire qui, n’en déplaise aux péquistes, n’est ni le Québec, encore moins l’Amérique du Nord.
«Le terme laïc est en soi problématique», dit Louis Rousseau, professeur titulaire en science des religions à l’UQAM, avec qui j’ai
discuté des croyances des Québécois, vendredi.
«Il est ancré dans la réalité française. Vouloir l’importer ici, c’est complètement imbécile, dit-il. Car ce modèle français républicain, qui prétendument pourrait nous sauver, est raté. Il n’intègre pas ses immigrés. Aucun modèle ne peut de toute façon être appliqué tel quel. Chacun part de sa propre Histoire.»
Ce qui étonne le plus ce spécialiste des religions, c’est que les recommandations de la commission Bouchard-Taylor, si elles étaient réellement mises en application, règleraient les irritants perçus par les Québécois, ces dérives que rapportent les médias: givrer les fenêtres d’un YMCA pour que les femmes n’y soient pas vues en train de faire des steppettes; permettre à un bambin de maternelle d’être exempté d’un cours de musique (selon une interprétation extrémiste de l’Islam); accéder aux demandes d’un père de famille de ne s’adresser qu’à un professeur masculin lorsqu’il se pointe à l’école…
Des situations qui heurtent les sensibilités de la majorité, qui rejettent l’extrémisme et pour qui l’égalité des sexes est une notion bien acquise.
Mais a-t-on besoin d’une charte de la laïcité pour en arriver au gros bon sens? Pour stipuler que l’État est neutre, libre de toutes religions?
Et qu’un juge, ou le président de l’Assemblée nationale, affichent cette neutralité, puisqu’ils représentent l’État?
Dans cette démarche un peu surréaliste du PQ, Louis Rousseau y voit surtout une stigmatisation de la portion la plus visible du religieux dans la vie civile : le port du voile chez les musulmanes.
Certains courants veulent le bannir de la fonction publique et parapublique, ce qui toucherait les infirmières, les professeures, les éducatrices de CPE. «Les péquistes sont pognés sur le voile, dit Louis Rousseau. Et ils vont frapper un mur, car ils vont s’aliéner une large proportion d’une immigration récente, en les stigmatisant.»
Il y a 200 000 musulmans au Québec. «Et pendant ce temps, on veut faire l’indépendance?»
COMMENTAIRE :
Quand on est (trop) longtemps privé de choses, on veut se rattraper et connaitre ce qui nous a été trop longtemps refusé !! Malheureusement, comme souvent que cela arrive, des excès seront à prévoir. De la violence aussi !