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Monday, August 13, 2012

France, Musulmans et homosexuels, ils se marient à Paris

Deux homosexuels musulmans se marient à Paris

Ludovic Mohamed Zadeh et Qiyaam Eddine se sont mariés en Afrique du Sud. Le mariage religieux des deux hommes a été célébré par l’imam, ce week-end, à Paris.

Ludovic, vous vous êtes marié ce week-end à votre conjoint, Qiyaam. Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Nous rencontre a eu lieu au Cap en 2010, lors d’une conférence internationale dédiée à la question de l’homophobie envers les homosexuel-les musulmane.
C’est seulement en Avril 2011 que nous avons décidé que nous voulions faire passer notre relation au niveau suivant, et qu’une relation longue distance n’etait pas ce que nous voulions. Nous voulions être ensemble car nous avons tellement de choses à construire afin de vivre une vie ensemble, mais ce n’était pas aussi facile que nous le pensions. Nous vivions en fait dans deux pays différents, et même sur deux continents différents. Au départ, nous avions pensé à rester en Afrique du Sud, mais plus tard, après ma visite pour rencontrer la famille de Qiyaam, nous avons décidé que nous devions vivre tous les deux en France. Je suis effectivement assez occupé avec mon doctorat en anthropologie j’ai un appartement qui m’appartient déjà. Qiyaam, lui, a effectué une pause dans ses études.
Notre premier engagement, lors de mes absences en Europe entre deux visites à Qiyaam en Afrique du Sud, a été de nous promettre de nous attendre. Nous avions ainsi l’habitude de nous téléphoner tous les soirs pendant une heure ou plus, afin de nous raconter les événements de nos journées respectives. Nous avons tous deux dit dès le début à nos familles que nous étions ensemble. Nos familles étaient heureuses pour nous, même si la famille de Qiyaam voulait savoir si je le traiterais correctement, s’il allait me rejoindre en France et s’il allait les quitter. Ils se sont toutefois senti mieux après m’avoir rencontré en personne, lorsque nous avons passé du temps ensemble. Finalement, l’année avant mon dernier séjour de deux mois en Afrique du Sud, nous nous sommes mariés le 12 Août 2011 au Cap devant un officier d’état civil ; en Afrique du Sud le mariage est ouvert à tou-tes les citoyen-nes.
Nous avons ensuite célébré notre union avec la famille et les amis de mon mari, Qiyaam.

Vous formez tous les deux un couple de même sexe, et vous avez tenu à célébrer votre union devant un imam. Comment cela s’est-il déroulé ?
Nous étions plus de quarante membres et sympathisants du collectif citoyen des HM2F – homosexuel-les musulman-es de France –, et ami-es de notre couple, à partager cette fête organisée à l’occasion de notre mariage religieux. Après en avoir discuté longuement avec mon mari, nous avons décidé de médiatiser notre démarche afin de sensibiliser la société sur les difficultés qu’un couple comme le nôtre peut traverser en raison de notre orientation sexuelle et de notre confession religieuse. Selon nous, il faut briser les tabous et nous engager contre toute forme de discrimination. Tout est compatible, à condition d’être fidèle à ses valeurs. Tout les savants musulmans s’accordent à dire que l’islam n’agit pas sur les relations interpersonnelles. L’islam est une voie sur laquelle l’on progresse, pas un dogme oppressant duquel on ne puisse se sortir.
La cérémonie, à laquelle ont également été invitées des associations LGBT chrétienne et juive, c’est déroulé en plusieurs temps : après un déjeuner aux plats très métissés, l’imam - Jamal, administrateur en charge du groupe Prière et Méditation de HM2F, maître de psychologie et originaire de l’île Maurice - a récité quelques prières traditionnelles, avant de lire la sourate du Coran Al-Fatiha. Un imam gai, est-ce seulement possible !? C’est possible affirme Jamal : l’imam a une fonction sociale, peu importe sa vie privée. Ensuite notre frère et homme d’église - Thiebault, lui aussi membre de HM2F - a suggéré à tou-tes de se donner la main afin de réciter le Notre Père ; puis notre frère rabbi - un autre membre de HM2F - a récité les prières traditionnelles afin de bénir l’union de deux époux, en français puis en hébreu. Cette paix, cet œcuménisme, donnera les larmes aux yeux à plusieurs convives ! Il a été vraiment merveilleux de voir tout le monde ensemble. Il y avait une ambiance extraordinaire : tout le monde a dansé ensemble sur des musiques indiennes, orientales ou contemporaines. Et les cinq prières de la journée ont été accomplies ensemble, pour ceux et celles qui prient à la façon musulmane ; l’une d’entre elles à été guidée par une femme - notre sœur Judith Ijtihad.
Pour nous il était important de nous approprier la richesse et la diversité de la culture islamique, notamment en nous mariant avec le concours d’un imam, tout en ouvrant cet héritage sur la diversité confessionnelle et ethnique qu’offre la France.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans vos démarches ?
Dans nos démarches afin de construire une vie de couple, nous avons eu la bénédiction de ma mère, de ma sœur et de mon père - venu-es pour l’occasion depuis Marseille où ils résident. Après les difficultés initiales à accepter un fils gai, mon père a dit lors de cette cérémonie : « Dieu peut tout pardonner, sauf le fait de causer du dommage à quelqu’un d’autre. A qui mon fils fait-il du mal ? Seul Dieu le jugera ». Paradoxalement, c’est l’Etat français qui nous crée des problèmes, en raison de l’imbroglio juridique et des discriminations envers les couples de mêmes sexes. La France ne reconnaît pas notre mariage conclut en Afrique du Sud l’année dernière, pourtant elle nous refuse également de nous Pacser, en raison du fait que nous sommes déjà mariés à l’étranger - la loi relative au pacs précise qu’il faut être célibataire pour conclure un Pacs… Il nous a également été suggéré de divorcer afin d’être en mesure de contracter un PACS.
Quand la loi française évoluera-t-elle afin de permettre à tous les citoyen-nes de France de vivre leur amour en toute sécurité ? Nous avons requis un examen de notre cas particulier par la Chancellerie. Par ailleurs, le collectif citoyen des HM2F à également adressé cette semaine une lettre au Président de la République afin d’attirer son attention sur ces doubles discriminations.

Diriez-vous que l’islam est contraire à l’homosexualité ?
J’ai pour habitude de dire que l’islam n’a pas d’adresse ; l’islam n’a pas non plus de numéro de téléphone auquel il pourrait être joint. C’est des musulman-es de France que dépend l’islam de France. C’est à nous qu’il appartient de suivre, véritablement, l’exemple inclusif d’un Prophète des musulmans qui interdisait formellement que l’on s’en prenne aux hommes efféminés de son époque. Le véritable problème, c’est la machisme et la peur de l’altérité, pas l’homosexualité qui fut presque toujours tolérée au sein d’un monde arabo-musulmans dont la littérature fut à certaines époques ouvertement empreinte d’homoérotisme. Les publications de HM2F reprennent en détail cette analyse sur l’historiographie de l’homophobie partout où l’Islam porte sa voix.
Quant aux versets qui parlent des « sodomites », il est clair qu’en contextualisant ce propos, on ne peut comprendre cette condamnation, faite par les trois monothéismes, que comme une condamnation de pratiques violentes et non respectueuse de la liberté de chacun-e. C’est d’ailleurs ce que les représentants des grandes religions de France ont rappelés le 17 mai 2010, lors du colloque à l’Assemblée Nationale organisé dans le cadre de l’IDAHO.

Dans quelle mesure ce mariage homosexuel et musulman, le premier en France, pourra-t-il selon vous faire avancer l’acceptation de l’homosexualité, mais aussi de l’islam en France ?
Ce mariage est un exemple, parmi bien d’autres à l’avenir nous l’espérons, du fait qu’il est possible d’être homosexuel-les et musulman-es, et de construire une vie apaisée, même lorsque l’on subit des doubles discriminations telles que le racisme, l’islamophobie, l’homophobie ou encore la transphobie ; nous pensons notamment aux jeunes, issu-es d’une famille musulman, qui ne doivent plus désespérer de se découvrir homosexuel-les à l’adolescence.
Nous pensons également à ces dogmatiques, qui veulent s’accaparer l’héritage de l’islam par la force ; tout comme nous pensons à ces dogmatiques a-religieux et particulièrement islamophobes, qui pensent que les musulman-es de France, en particulier les LGBT d’entre eux, ne pourront jamais être en mesure de s’assumer pleinement et de participer à l’élaboration d’un vivre ensemble véritablement respectueux de toutes nos diversités. Source Source

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