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Wednesday, June 20, 2012

Vatican, Les vannes du Vatileaks

Le robinet à scandales – le «Vatileaks» – est ouvert à Rome depuis plusieurs mois.
Résumé des événements.

L’annus horribilis 2012 s’annonce longue au Vatican. Signe des temps : notre confrère La Croix, traditionnellement fort prudent en ces matières, titrait en une de son édition du 29 mai «Crise de pouvoir au Vatican».
Le vaticaniste italien Ignazio Ingrao n’hésite pas à évoquer «la pire crise de l’histoire de l’Église» et évoque un bond en arrière de cinq siècles, à l’époque joyeuse des Borgia, des dagues et autres poisons…
Que se passe-t-il ? Le 25 janvier dernier, lors d’une émission à la télévision italienne, un courrier envoyé au pape par Mgr Vigano, ancien responsable du gouvernorat du Vatican muté comme nonce à Washington après avoir tenté de mettre de l’ordre dans la gestion financière du petit État, est montré à l’écran. La missive dénon­ce les manœuvres et manipulations au sein de la Curie.
Dans les semaines qui suivent, les documents sortent les uns après les autres. Le 10 février, un quotidien italien parle d’une note d’un cardinal retraité évoquant une menace de mort concernant le pape. Conscient du danger, le Saint-Siège établit le 16 mars une commission d’enquête composée de trois cardinaux retraités, dotés des pleins pouvoirs d’interrogatoire pour traquer la taupe. Peine perdue.

«Ligne de transparence»
Le livre Sa sainteté, les carnets secrets de Benoît XVI, du journaliste Gianluigi Nuzzi (1), sort dans les librairies italiennes le 19 mai. On y trouve de nouvelles pièces censées demeurer confidentielles. «Il ne s’agit pas d’un livre à thèse. J’ai fait une œuvre d’information», affirme l’auteur (Pèlerin, 7 juin), qui assure recevoir «des messages d’encouragement de nombreux catholiques».
La Cité du Vatican n’en a pas fini avec cette parution : le 24 mai, le conseil de surveil­lance de l’Institut pour les œuvres de religion (IOR), plus trivialement la « banque du Vatican », demande le départ de son président Ettore Gotti Tedeschi, nommé en 2009 par Benoît XVI. Incompétent pour certains, trop dangereux dans sa volonté de traquer le blanchiment selon ses défenseurs.
Réunie le lendemain, la commission cardinalice de vigilance de l’IOR n’a rien laissé filtrer, même si le Saint-Siège assurera le 11 juin être attaché à la « ligne de transparence » en cours à l’IOR. De toute façon, le 25 mai, tout le mon­de a déjà les yeux tournés ailleurs, avec l’arrestation du majordome du pape, Paolo Gabrielle, accusé d’avoir volé des documents. Mis à l’isolement, il est interrogé depuis le 5 juin par la justice du Vatican. Au vu de la masse des informations ayant transpiré depuis quelques mois, il ne saurait être le seul informateur de la presse. Pour preuve, les journaux italiens continuent d’exhumer des correspondances récentes depuis l’arrestation.

Tarcisio Bertone
Le secrétaire d’État Tarcisio Bertone a dénoncé le 6 juin des «attaques, féroces, mordantes et organisées» contre Benoît XVI. En fait, nombre d’observateurs pensent que le cardinal Bertone est justement la cible de toutes ces «révélations». Le patron de la machine vaticane – il fait office de premier ministre du pape – est accusé de mille maux : avoir placé ses frères religieux salésiens partout au Vatican, agir sans concertation et avec autoritarisme, avoir commis quel­ques im­pairs (comme l’achat malvenu d’un hôpital à Milan).
Les évêques italiens lui reprochent également de vouloir gérer seul avec l’État italien le dossier sensible de la baisse des avantages fiscaux sur les biens d’Église, crise financière oblige.
Bref, dans cette hypothèse, tant que Tarcisio Bertone, 78 ans en fin d’année, de­meure l’homme fort du Vatican, les coups tordus devraient continuer. La presse italienne ne paraît en tout cas aucunement disposée à ménager le Saint-Siège. Le pape, lui, ne semble pas prêt à lâ­cher son ami Bertone, encore moins sous la pression des événements.

Mercredi 30 mai, après avoir fustigé «des insinuations […] diffusées par certains médias, totalement gratuites, qui sont allés bien au-delà des faits», Benoît XVI a «renouvelé [s]a confiance et [s]es encouragements à [s]es plus proches collaborateurs». Et donc au premier d’entre eux.

(1) Spécialiste des enquêtes judiciaires et financières, il a déjà publié Vatican S.A : Les archives secrètes du Vatican (Hugo et Compagnie, février 2011, 304 p., 19,90 €) et va participer à l’écriture d’une fiction tournée l’an prochain : Vatican, le Christ habite chez les Borgia.

Une crise structurelle
Les crises à répétition que traverse le Vatican posent de manière aiguë la question de la gouvernance de l'institution.
Il y a l’affaire Bertone, l’affaire de l’IOR, l’affaire du majordome… Le moins qu’on puisse dire est que la crise s’installe au sommet. Personne, d’ailleurs, ne le nie. Même pas les plus hauts responsables du Vatican. Tout au plus essaie-t-on ici ou là de se rassurer en expliquant que l’Église en a vu d’autres.
En 2000 ans d’histoire, c’est le contraire qui serait étonnant. La formule a cependant un peu trop servi ces dernières années : à l’occasion de l’indispensable grand déballage sur la pédophilie dans l’Église, des révélations sur le fondateur des Légionnaires du Christ, ou des laborieux rattrapages à la suite des déclarations de Mgr Wil­liamson sur la Shoah…
Le paradoxe est que cette cascade se déverse alors que Benoît XVI est justement de ceux qui semblent convaincus de l’utilité d’une grande lustration, comme il l’a prouvé à l’occasion des révélations sur les affaires de pédophilie couvertes durant des décennies par l’institution. Mais cette volonté est-elle suffisante si elle ne s’attaque pas aux structures qui, elles, demeurent fondamentalement les mêmes ? S’il faut, en tout, attendre la décision venue d’en-haut ? Peut-elle faire aussi abstraction de l’inédite publicité qui accompagne désormais chacune de ces crises ?
Le modèle hiérarchique et pyramidal de l’Église-institution rassure peut-être à bon compte. Ses inconvénients apparaissent pourtant aujourd’hui de manière éclatante. La concentration du pouvoir à la Curie alimente le fantasme de la toute-puissance et, à la moindre crise, forcément médiatisée, celui de l’effondrement imminent.

Nul besoin d’être psychanalyste pour avoir une idée des effets délétères de ce genre de fonctionnement où les uns, convaincus de pouvoir influer sur le cours des choses, surinvestissent ce lieu, et les autres, par paresse ou pour se protéger des mauvais coups, s’en désintéressent au possible. par Philippe Clanché, Jérôme Anciberro Source

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