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Monday, June 11, 2012

Syrie, Tenter de sortir de la tragédie

La tragédie syrienne est grosse de conséquences pour l'avenir des sociétés du Proche Orient et de l'Afrique du Nord. Elle engage également le futur des relations euro-méditerranéennes et, de façon plus générale, les rapports de cette région avec les pouvoirs occidentaux.

Le régime autoritaire syrien a prouvé depuis longtemps qu'il ne reculait devant aucune forme de violence. On le sait depuis les tueries d'Alep et Hamma sur les ordres de Hafez al-Assad (1982). Sous le règne peu glorieux de son fils, le peuple syrien cherche à s'émanciper par la protestation pacifique depuis quinze mois. Le régime lui interdit cette voie par le recours a la répression systématique au moyen de son armée et ses milices, le poussant ainsi vers une guerre civile d'aspect sectaire et ethnique. Depuis le début, on assiste à l'emploi délibéré des mêmes techniques de terreur: tueries de grand nombre, tortures et mutilations qui n'épargnent personne: les enfants et les jeunes ont été particulièrement cibles depuis le début à Dar'a; les femmes et hommes de tous âges. Le dernier épisode de cette guerre livrée à tout un peuple est le massacre de Houla (25-26 mai), suivi d'un autre dans la région de Deïr Zor.

Ces massacres ont atteint un sommet de l'horreur. Sortir de cette tragédie par une action décisive s'impose, à défaut de quoi la communauté internationale court le risque de devenir complice des crimes d'un régime qui ne tient pas ses engagements. Certes, le pouvoir syrien dispose d'appuis intérieurs et extérieurs. Cependant, il est clair qu'une majorité du peuple le rejette sans retour, qu'il n'hésite guère à violer les droits humains les plus élémentaires.

À l'heure actuelle, il n'y a plus d'alternative : seule une intervention extérieure musclée serait à même de forcer une application stricte du plan Annan ou, si cela se révèle impraticable, chercher une autre voie vers une transition politique ordonnée. Considérons donc cette intervention sur le plan du principe avant d'esquisser une option raisonnable.
Sur le principe d'abord, on objectera peut être que l'opposition intérieure ne réclame pas d'intervention extérieure. Ceci est exact. En revanche, les manifestants et le peuple qui subissent la répression la réclament, de même que le Conseil National Syrien. Enfin, dans les conditions actuelles, on s'imagine mal que l'opposition intérieure ne soit pas soumise, d'une manière ou d'une autre, au chantage à la traitrise de la part du régime. Ainsi, l'intervention extérieure parait justifiable et indispensable, si l'on veut mettre fin aux crimes commis par les gouvernants syriens.

Certes, il n'est pas facile de déterminer une option dont le succès serait garanti. Cependant, persévérer dans les demies - mesures et attentismes actuels revient à prendre la pire des options. Et si l'on continuait dans cette voie, c'est le désastre qui serait garanti.
La responsabilité première incombe à la Ligue Arabe. Elle devrait faire un effort exceptionnel pour convaincre la Russie et les puissances Occidentales d'une formule qui offrirait une dernière chance à l'application stricte et immédiate de tous les points du plan Annan. Dans cette hypothèse, la Ligue Arabe devrait déclarer que "dernière chance" signifie ceci : si le régime syrien persiste dans ses positions actuelles, tous les moyens pacifiques seraient considères comme épuisés, et dans ces conditions la Ligue introduirait une demande d'action armée auprès de la communauté internationale.

En l'absence d'un scenario concret d'intervention, ceux qui s'imposent aux Syriens par le fer ne céderont pas. L'objectif principal serait d'aider les Syriens à trouver eux-mêmes les compromis nécessaires pour sortir rapidement de la dangereuse situation actuelle. Il leur revient, en effet, de trouver un accord entre eux, dans le cadre de dialogues dont ils ont - seuls - la légitimité de choisir les modalités. Le principe consisterait à favoriser des solutions réalistes, sans remettre en cause les relations établis avec les autres nations. Relations qui, en toute logique, relèvent de la souveraineté de l'Etat syrien.
Une telle option s'impose moralement. Et elle est faisable des lors qu'on accepte d'abandonner certains images inadéquates qui se sont répandues à propos de la Syrie : la première consiste à agiter le spectre d'une guerre généralisée à l'ensemble de la région, entre sunnites et chiites ; la deuxième à peindre l'image d'une Syrie qui irait droit dans une guerre civile de sectes, clans, tribus et ethnies, et donnerait lieu, automatiquement, à l'anéantissement des Alaouites et a la persecution des Chrétiens ; la troisième, enfin, reprend la thèse bien connue du danger "islamiste". Il est bien normal que des organisations civiques et politiques - musulmanes et chretiennes adoptent dans leurs programmes certaines valeurs issues de leurs religions. Le contraire serait surprenant. Cependant, ce qui est crucial c'est de travailler à assurer les conditons pour que se mette en place un système garantissant la sécurité , l'égalité et la liberté pour tous , sans exception. Et, dans sa région, la société syrienne est probablement celle qui serait la mieux placée pour négocier ses différences dans un cadre démocratique. Enfin, faut-il le répéter encore une fois, l'islam, sunnite et chiite, est politiquement pluriel.

Pas plus que les différences religieuses, il n'est pas niable que les différences de religion, de secte, d'ethnie, de clan et tribu puissent se mobiliser en forces hostiles et dévastatrices. Mais cela n'est pas vrai seulement de la Syrie. Des types d'assemblages humains et politiques identiques, ou similaires, existent ailleurs dans le monde ; et ils fonctionnent selon la même logique, ou des logiques comparables (sur des bases religieuses, ethniques ou raciales par exemple), et ceci partout, y compris en Europe et en Amérique. Ce qui, en revanche, parait bien plus décisif, ce n'est pas l'existence ou la mobilisation possible de ces regroupements, mais plutôt les mécanismes de coexistence à trouver, ou à retrouver après des troubles graves. La Syrie ne ferait pas exception à cette règle, pourvu que cesse l'appui extérieur à son régime illégitime, et que cesse aussi l'injection irresponsable des pétrodollars dans ses affaires religieuses et politiques.
Oui, tous ces clivages qu'on ne cesse de rappeler existent bel et bien en Syrie. Et ils peuvent être instrumentalisés, comme ils l'ont été en Irak, ou encore hier et dans d'autres conditions en Irlande, en Espagne, dans les Balkans et ailleurs ... En tout état de cause, il reste que si l'on veut bien faire confiance au peuple syrien dans toutes ses composantes [ sunnite , alaouite, chrétienne, kurde et autres ] celui-ci saura transcender ses clivages, comme il a su le faire à d'autres moments de son passé. par Abdellah Hammoudi est ancien directeur de l'Institut des Études Transrégionales et membre du Conseil National pour le soutien au Mouvement du 20 février (Maroc), professeur à l'Université de Princeton Source 

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